Philippot Ier, le nouveau visage du Front national

"La nation est le cadre indispensable de la démocratie, de la prospérité, de la sécurité… a oui, c’est ma seule idéologie entre guillemets"

 

Comment un jeune énarque, entré en politique par intérêt pour Chevènement, tenté un moment par Mélenchon, homosexuel non lobbyiste, détesté par Jean-Marie Le Pen et les caciques du Parti, peut-il être vice-Président (à égalité de rang avec Louis Aliot, le compagnon de Marine Le Pen) d’un parti dont tout dans sa fondation combat son existence même ? Comment Florian Philippot, qui n’est pas un Le Pen, peut-il avoir si vite gravi tant d’échelon dans le parti que d’aucun assimilent à un clan familial ? Astride de Villaines et Marie Labat, toutes deux journalistes politiques en charge du Front national pour la Chaîne parlementaire, publient la première "enquête" sur ce gaulliste convaincu ("celui qui fait en sorte que le pays ait son arsenal, nucléaire, sa diplomatie, sa propre voix"), patriote attaché aux vertus fondamentales de la laïcité, et roué politique qu’est Florian Philippot.

 

La réponse à beaucoup de ces questions est simple : Marine Le Pen. Il y a eu un vrai coup de foudre intellectuel entre eux si bien qu’une connivence s’est vite installée et que de conseiller discret Philippot est devenu omniprésent dans les médias pour porter la bonne parole. Le rêve, pour ainsi dire, d’un Bruno Megret qui avait théorisé la dédiabolisation du Front, Philipot l’incarne. Au point même qu’on lui prête volontiers d’avoir ourdi la mise au ban de Jean-Marie Le Pen. Mais quand le vent tourne un peu, que Philippot n’est plus le seul à murmurer à l’oreille de Marine Le Pen et qu’il se sent un peu exclu, n’étant pas aux commandes de la campagne 2017, il se rassure en restant droit et digne, sûr de son destin et soutenu par ses nombreux "filleuls politiques" installés au fil des ans dans l’organigramme du parti (certaines mauvaises langues parlent de ses "mignons"…).

 

Ses grandes émotions politiques ? la sortie du Franc, tout enfant il en a pleuré, et le « non » au référendum sur la Constitution européenne ("un niveau au dessus de la joie que j’ai pu ressentir pour le Brexit parce que c’était pour la France"). Mais nous apprenons peu de choses sur l’homme, sinon certaines de ses habitudes (quel café il fréquente, etc.), conformément à son choix fondamental de dissocier totalement vie publique et vie privée.

 

Entre ses conflits ouverts avec Marion Maréchal-Le Pen, qui incarne la frange traditionnaliste du Parti — et qui a un nom ! — et son coming-out forcé suite aux révélations de Closer (condamné pour cela), c’est tout le portrait d’un conseiller particulier, qui n’est pas du tout homme de cour ou d’appareil, et qui, pour le dire ainsi, serait l’homme d’une seule femme : Marine Le Pen. Un peu comme s’il était le catalyseur des idées que la Présidente du Front national n’ose pas avouer siennes : "il est de gauche !" comme aime à rappeler l’ineffable Robert Ménard. Un portrait qui fait la part belle à la politique, à l’animal politique qu’est Florian Philippot, avec ses ambitions personnelles et son dévouement rare au Front national (c’est lui qu’on envoie pour les interviews des 24 et 31 décembre…), et — notons ce qui est assez rare dans les livres consacrés aux frontistes — avec une "certaine" neutralité et une richesse de témoignages issus d'entretiens réalisés par les auteurs et d'archives médiatiques.  

 

Loïc Di Stefano

 

Astride de Villaines et Marie Labat, Philippot Ier, le nouveau visage du Front national, Plon, mars 2016, 152 pages, 14,90 eur

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