Ivoire
Au fond des étoiles, voici l’éléphant
Spécialiste de l'archivage et de la classification de trophées et reliques animales à une époque où la plupart des animaux terrestres ont disparu, Duncan Rojas est un personnage renfermé qui ne vit que par son travail, au détriment du reste. Pas de famille,peu d’amis à l’exception d’une responsable de la sécurité du musée qui l’emploie — dont l’attitude envers lui est tantôt maternelle, tantôt à la limite de l’amoureuse transie — on peut le qualifier d’autiste social. Quand un homme mystérieux nommé Bukoka Mandaka le recrute pour retrouver les défenses du mythique Éléphant du Kilimandjaro perdues depuis des millénaires, Rojas dit oui bien sûr, trop heureux de commencer une nouvelle quête.
Ce sont alors des nuits de quête obsessionnelle qui commencent. En utilisant au maximum les ressources de son ordinateur, connecté au réseau informatique de la galaxie, Rojas reconstitue petit à petit l'histoire incroyable de ces deux gigantesques morceaux d'ivoire, objets de tant de convoitises depuis la mort de l’éléphant à la fin du XIXe siècle de l'ère terrestre jusqu'en l'an 6303 de l'Ère Galactique. Pour elle, des hommes se sont entretués, des guerres ont éclaté et des extraterrestres s’en sont même servis pour y écrire leurs légendes. Il découvre également combien ces défenses sont liées à la destinée du peuple Masaï dont Bukoba Mandaka est le dernier représentant, déterminé à les retrouver afin de les ramener sur Terre.
Ce space opera, qui exhale le parfum de la Science-Fiction classique, nous entraîne dans un fabuleux voyage qui peut aussi bien nous faire vivre une partie de chasse à l'éléphant entre européens arrogants qu’une guerre entre deux planètes. Autant de récits qui ont un unique point commun : l'ivoire. Resnick ne se contente pas de raconter l'Afrique, il lui donne toute sa dimension en la faisant vivre jusqu'au fond des âges... Quant aux personnages, ils se retrouvent pris dans une quête initiatique qui leur révèle à la fin le sens de leur existence. Pour Bukoba, racheter l’honneur de son peuple ; pour Rojas simplement témoigner de cette histoire dont il est le narrateur. Le tout s’inscrit dans un contexte assez conventionnel : on retrouve le sempiternel et traditionnel empire galactique, des extraterrestres extravagants. Rien de bien nouveau donc dans une intrigue bien menée. Car Resnick excelle à raconter des histoires pleines de rebondissements (On se rappelle de son Santiago, picaresque et réjouissant), au détriment, selon ses détracteurs, de la psychologie, et de toute ambition prospective typique du genre. Cependant, l’enjeu est ailleurs.
Le cœur du roman est donc cette Afrique méconnue dont l’auteur exalte les légendes et le folklore, s’emparant de ce matériau pour livrer un ouvrage qui propose une échappée loin du réel pour mieux nous y ramener. Car l’arrière-plan de ce roman est angoissant : disparition des espaces animales, Terre saccagée et désertée par une humanité colonisant des centaines d’autres planètes — pour les exploiter de la même manière ? Récit d’aventures et de divertissement, Ivoire est tout autant un livre de notre temps, reflétant les angoisses et les défis du XXIe siècle.
Sylvain Bonnet
Mike Resnick, Ivoire, traduit de l'américain par Luc Carissimo, Gallimard, Folio SF, octobre 2010, 465 pages, 7,80 €
Spécialiste de l'archivage et de la classification de trophées et reliques animales à une époque où la plupart des animaux terrestres ont disparu, Duncan Rojas est un personnage renfermé qui ne vit que par son travail, au détriment du reste. Pas de famille,peu d’amis à l’exception d’une responsable de la sécurité du musée qui l’emploie — dont l’attitude envers lui est tantôt maternelle, tantôt à la limite de l’amoureuse transie — on peut le qualifier d’autiste social. Quand un homme mystérieux nommé Bukoka Mandaka le recrute pour retrouver les défenses du mythique Éléphant du Kilimandjaro perdues depuis des millénaires, Rojas dit oui bien sûr, trop heureux de commencer une nouvelle quête.
Ce sont alors des nuits de quête obsessionnelle qui commencent. En utilisant au maximum les ressources de son ordinateur, connecté au réseau informatique de la galaxie, Rojas reconstitue petit à petit l'histoire incroyable de ces deux gigantesques morceaux d'ivoire, objets de tant de convoitises depuis la mort de l’éléphant à la fin du XIXe siècle de l'ère terrestre jusqu'en l'an 6303 de l'Ère Galactique. Pour elle, des hommes se sont entretués, des guerres ont éclaté et des extraterrestres s’en sont même servis pour y écrire leurs légendes. Il découvre également combien ces défenses sont liées à la destinée du peuple Masaï dont Bukoba Mandaka est le dernier représentant, déterminé à les retrouver afin de les ramener sur Terre.
Retour à l’Afrique
Ce space opera, qui exhale le parfum de la Science-Fiction classique, nous entraîne dans un fabuleux voyage qui peut aussi bien nous faire vivre une partie de chasse à l'éléphant entre européens arrogants qu’une guerre entre deux planètes. Autant de récits qui ont un unique point commun : l'ivoire. Resnick ne se contente pas de raconter l'Afrique, il lui donne toute sa dimension en la faisant vivre jusqu'au fond des âges... Quant aux personnages, ils se retrouvent pris dans une quête initiatique qui leur révèle à la fin le sens de leur existence. Pour Bukoba, racheter l’honneur de son peuple ; pour Rojas simplement témoigner de cette histoire dont il est le narrateur. Le tout s’inscrit dans un contexte assez conventionnel : on retrouve le sempiternel et traditionnel empire galactique, des extraterrestres extravagants. Rien de bien nouveau donc dans une intrigue bien menée. Car Resnick excelle à raconter des histoires pleines de rebondissements (On se rappelle de son Santiago, picaresque et réjouissant), au détriment, selon ses détracteurs, de la psychologie, et de toute ambition prospective typique du genre. Cependant, l’enjeu est ailleurs.
Au final, nous
avons affaire à un drôle d’objet littéraire, un space opera qui se veut
une méditation mélancolique sur l’Afrique, ses animaux, ses cultures
anciennes dont la disparition paraît programmée, comme celle des Masaï.
Car le sort ce peuple est lié à cet ivoire, dernier vestige du plus
grand éléphant qui ait jamais existé, chassé et tué par un de ses
membres. Serait-ce une malédiction jetée sur ces fiers guerriers que les
Anglais désarmèrent de force ? Oui, mais Mike Resnick a l’habileté de
ne jamais exagérer cet aspect : Bukoba acceptera son sort, jusqu’au
sacrifice final, afin de sauver l’honneur et l’âme de son peuple, geste
décrit avec une sobriété qui n’exclue pas l’émotion.
Le cœur du roman est donc cette Afrique méconnue dont l’auteur exalte les légendes et le folklore, s’emparant de ce matériau pour livrer un ouvrage qui propose une échappée loin du réel pour mieux nous y ramener. Car l’arrière-plan de ce roman est angoissant : disparition des espaces animales, Terre saccagée et désertée par une humanité colonisant des centaines d’autres planètes — pour les exploiter de la même manière ? Récit d’aventures et de divertissement, Ivoire est tout autant un livre de notre temps, reflétant les angoisses et les défis du XXIe siècle.
Sylvain Bonnet
Mike Resnick, Ivoire, traduit de l'américain par Luc Carissimo, Gallimard, Folio SF, octobre 2010, 465 pages, 7,80 €
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