Collin Reeves
est un jeune médecin, beau gosse, idéaliste qui a été recruté par la CIA
à sa sortie de l’école. Il a occupé divers postes (dont un au
Moyen-Orient) et se retrouve affecté à Mexico. Le job est ici plutôt
calme et ces derniers temps, il a été occupé à soigner des touristes
atteints de diarrhée ou de dysenterie : rien de palpitant. Il en profite
donc, couche à droite et à gauche et trouve le temps de peindre pour
son plaisir.
Mais Al Qaida n’est jamais loin. Un complot
terroriste, impliquant des membres de la diaspora arabe au Mexique, est
mis à jour par l’antenne locale de la CIA dirigée par Alex Law. Celui-ci
se met à faire appel aux services du bon docteur — qu’il connaît depuis
qu’il soigne sa femme, atteinte d’un cancer du sein — pour garder en
vie les suspects malmenés lors d’interrogatoires plutôt musclés dirigé
par Butch, un ami de Law qui le suit depuis le Vietnam. Le bon docteur
est choqué par les procédés employés mais s’incline… devant les
résultats obtenus et l’importance de l’enjeu.
Reeves rencontre
au même moment une jeune femme nommée Dolores Rios. Belle, mystérieuse,
fatale, il en tombe amoureux. Mais il s’avèrera que cette jeune femme a
un passé trouble, qu’elle se retrouve liée à l’enquête menée par Law.
Collin Reeves se retrouve donc face à un dilemme cornélien.
On
retrouve ici une structure classique du roman d’espionnage, où Al Qaida a
remplacé les soviétiques. Le mélange des personnages, des durs à cuir
mêlés à un idéaliste, fonctionne plutôt bien. Pourtant, il y a un hic,
qui peut gêner une partie des lecteurs.
Un sentimentalisme qui tue l’intrigue
On assiste en effet à une prolifération d’intrigues « sentimentales »
parallèles dans un roman où plusieurs milliers de vies humaines sont en
jeu. La femme de Law est atteinte d’un cancer et celui-ci se sent
coupable (leur mariage a été difficile, il l’a trompée plusieurs fois)
au point de rechercher la consolation dans la bouteille. Butch le dur se
sent vieux ; il aimerait fonder une famille mais se fait rejeter par sa
copine du moment dont il s’est amouraché. Le bon docteur enfin -
pratiquement, on peut le qualifier de bon samaritain — se retrouve fou
de cette mystérieuse inconnue et plusieurs pages sont consacrées à leurs
amours… au point qu’on finit par se demande si on n’est pas devant un
volume des éditions Harlequin.
Au-delà de cette outrance
certainement injuste du critique, il est manifeste que tout ceci relève
d’une volonté de l’auteur d’humaniser ses personnages et de créer un
effet d’empathie —et cette volonté s’étend également aux terroristes.
Si ce souci est louable, remarquons que le trop grand nombre de
péripéties sentimentales finit par nuire à l’intrigue, qu’elles
ralentissent. De plus, sans imaginer le monde des espions comme un monde
de « machines » sans cœur, il est avéré que ceux-ci compartimentent
leurs vies au maximum et sacrifient pour la plupart leur vie privée :
s’ils se posent des questions, c’est au moment de la retraite. Et
peindre ces désarrois nécessiterait un doigté que ne possède
vraisemblablement pas l’auteur. Cela demande le talent d’un orfèvre qui
ajouterait ici et là des petites touches et des nuances à ces
personnages visiblement au bout du rouleau.
Le sentimentalisme à gros traits du Serment
finit donc par nuire à la crédibilité de la peinture du monde de
l’espionnage livrée par Harrington, traité de manière conventionnelle
mais plutôt solidement. On le regrette, d’autant plus qu’il semble
s’agir d’une tendance actuelle du genre (lire par exemple un Monde sous surveillance de Peter Temple). Sylvain Bonnet
Kent Harrington, Le serment, traduit de l'anglais par GuyAbadia,Gallimard, folio policier, 380 pages, janvier 2011, 7,30 €
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