"Notre-Dame-aux-Ecailles",
Voici un nouveau recueil de Mélanie Fazi, auteur deSerpentine et d’Arlis des forains,
une des rares voix françaises contemporaines à s’illustrer dans le
fantastique, parent pauvre des littératures de genre en France. Depuis
une dizaine d’années, patiemment, l’auteur creuse son sillon, se fait
porte parole des paumés et des désespérés, et nous offre avec Notre-dame-aux-écailles
un recueil d’histoires plus hétérogène, plus mature aussi, que
Serpentine. L’éventail proposé est large, de nouvelles relevant du
fantastique pur, « classique », on arrive à des histoires s’apparentant à
des rêveries, se rattachant au genre tout en empruntant un chemin
proche de la poésie — comme la cité travestie qui se déroule à Venise.
Plus précisément, trois catégories d’histoires composent ce livre.
Exercices de style
Le langage de la peau tout d’abord, écrit avec un style sec, nerveux, incisif.Un beau texte assez troublant, évoquant Richard Matheson, sur le thème de la lycanthropie. Dans cette veine, on trouve aussi le nœud cajun, histoire d’une grossesse qui tourne très mal en Louisiane, sorte d’avatar des ambiances créées par Lovecraft et Ambrose Bierce (la trame aurait pu aussi aisément se retrouver dans un épisode de la quatrième dimension). Occasion pour Mélanie Fazi de payer son tribut aux grands auteurs américains qui l’ont influencé et de montrer sa maîtrise formelle.
Des contes de notre temps
Une deuxième catégorie se détache ensuite, constituée d’histoires plus contemporaines, plus personnelles qui empruntent au conte. On trouve par exemple Le train de nuit, nouvelle placée sous le signe de la musique : elle y cite les Pixies et Joni Mitchell. Fazi y travaille des ambiances déjà abordées dans Serpentine, et notamment Petit théâtre de rame ; textuellement, on peut aussi indiquer que l’auteur cite le clip de la chanson Lullaby de The Cure, signe d’une écriture décidément marqué par le rock. Quant à La danse au bord du fleuve, elle mêle trouble psychologique et intervention surnaturelle. Il s’en dégage une plus grande ambiguïté psychologique et une sensualité décalée qui font de cette nouvelle une sorte de mélodrame étrange très réussi, puissamment évocateur.
Blessures d’enfance
Une conclusion parfaite pour un recueil digne du talent — encore inégal mais incisif et précieux — d’un(e) auteur promise on l’espère à un long parcours. Croyez-le, Mélanie Fazi est capable à terme de sortir un très grand roman de fantastique, qu’on attend avec une impatience à peine contenue.
Sylvain Bonnet
Mélanie Fazi, Notre-Dame-aux-Ecailles,Gallimard, Folio SF, Janvier 2011, 278 pages, 7,30 €
Exercices de style
Le langage de la peau tout d’abord, écrit avec un style sec, nerveux, incisif.Un beau texte assez troublant, évoquant Richard Matheson, sur le thème de la lycanthropie. Dans cette veine, on trouve aussi le nœud cajun, histoire d’une grossesse qui tourne très mal en Louisiane, sorte d’avatar des ambiances créées par Lovecraft et Ambrose Bierce (la trame aurait pu aussi aisément se retrouver dans un épisode de la quatrième dimension). Occasion pour Mélanie Fazi de payer son tribut aux grands auteurs américains qui l’ont influencé et de montrer sa maîtrise formelle.
Des contes de notre temps
Une deuxième catégorie se détache ensuite, constituée d’histoires plus contemporaines, plus personnelles qui empruntent au conte. On trouve par exemple Le train de nuit, nouvelle placée sous le signe de la musique : elle y cite les Pixies et Joni Mitchell. Fazi y travaille des ambiances déjà abordées dans Serpentine, et notamment Petit théâtre de rame ; textuellement, on peut aussi indiquer que l’auteur cite le clip de la chanson Lullaby de The Cure, signe d’une écriture décidément marqué par le rock. Quant à La danse au bord du fleuve, elle mêle trouble psychologique et intervention surnaturelle. Il s’en dégage une plus grande ambiguïté psychologique et une sensualité décalée qui font de cette nouvelle une sorte de mélodrame étrange très réussi, puissamment évocateur.
Blessures d’enfance
L’auteur s’attache aussi peindre l’enfance. Dans cette veine, c’est surtout Fantômes d’épingles
qui emporte l’adhésion. Une poupée, Justine, y encaisse tous les
malheurs, toutes les souffrances refusées par le personnage principal,
de l’enfance jusqu’à l’âge adulte. Mais repousser ces souffrances n’est
que provisoire : cette jeune femme se doit de les affronter et de se les
réapproprier... il s‘agit d’un vrai petit bijou, traitant au scalpel la
question du deuil — d’un proche ou même de sa propre enfance.
Une conclusion parfaite pour un recueil digne du talent — encore inégal mais incisif et précieux — d’un(e) auteur promise on l’espère à un long parcours. Croyez-le, Mélanie Fazi est capable à terme de sortir un très grand roman de fantastique, qu’on attend avec une impatience à peine contenue.
Sylvain Bonnet
Mélanie Fazi, Notre-Dame-aux-Ecailles,Gallimard, Folio SF, Janvier 2011, 278 pages, 7,30 €
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