"L’Ètoile de Ratner" de Don DeLillo : les dialogues sont surréalistes

Publié aux USA en 1976, cette nouvelle plongée dans l’univers de cet écrivain culte est déconcertante. Magique mais compliquée. Le jeune Billy voyage dans un avion qui contient un jardin. La Suède est en guerre. Il a donc reçu son prix Nobel de mathématiques (le premier du genre !) aux USA. Appelé à participer à des expériences hors du commun, il s’est donc embarqué vers le Centre. En plein désert de nulle part. Mais les savants qui l’attendent n’ont pas que de bonnes intentions. A croire que l’intelligence rend fou. Voire mauvais. Et que l’effondrement nous guette. Pessimiste DeLillo ? Ecrivain culte, certes, mais n’est-ce pas, justement pour son sens aiguisé de l’analyse ? Sommes-nous réellement dans le vrai ? Les multiples guerres qui ensanglantent la planète. Le monde de la finance qui dicte sa loi aux politiques. Les peuples soumis... Mais tout n’est peut-être pas perdu puisqu’au "cœur de notre désolation, toutefois, vous rencontrez la trame renforçante d’œuvres et d’esprits qui se dépassent dans la lutte contre les espaces solitaires qui peuvent expliquer nos humeurs creuses, le malheur à venir.


Billy Twillig a donc été recruté pour mettre son génie au service du projet Logicon. Tenter de décrypter un message venu de l’espace. Une suite incompréhensible qui serait finalement un système mathématique particulier. Mais tout cela n’est qu’un prétexte. Billy constate très vite que les tensions sont légions. Domine la lutte rhétorique entre les thuriféraires d’un monde absolument rationnel et les apôtres d’un univers dont le cerveau humain serait le centre nerveux. Là-dessus, Billy succombe à sa libido naissante. Alors la réalité s’effrite et le monde bascule sous le choc d’une découverte déconcertante.


Au sommet de son art, maîtrisant aussi bien l’ellipse que la logique cantique, Don DeLillo donne ici à lire un livre dense, complexe, pointu... Mais diabolique aussi. Ce n’est pas de la SF ! C’est ésotérique, il y a des chiffres, beaucoup, il y a l’interprétation numérologique ou kabbalistique du monde. On semble s’égarer mais la vérité est ailleurs. On rit de ces egos démesurés. On ne noie avec délice dans cette plongée au cœur de la folie et des secrets de l’univers.
Livre déclencheur il s’ouvre aussi bien sur la psychanalyse que de la science-fiction. Et le style envoûte toujours autant. Les dialogues sont surréalistes. C’est brillamment écrit. Parfois très drôle alors que la comédie humaine qui se joue sous nos yeux tournera obligatoirement au désastre...


Annabelle Hautecontre


Don DeLillo, L’Ètoile de Ratner, traduit de l’américain par Marianne Véron, Actes Sud, "Babel" n°1065,  juin 2011, 596 p. - 11,50 €

Première parution, Actes Sud, 1996    


PS - à lire aussi Great Jones Street

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