"La Vie et rien d'autre", émouvant mais pas indispensable

Jim
Ballard fut un des plus grands écrivains anglais du XXe siècle.Qu’il se soit d’abord illustré dans la science-fiction est ignoré d’un grand public qui le connaît surtout pour un livre inspiré de son expérience d’enfant pendant la seconde guerre mondiale, Empire du Soleil — dont Steven Spielberg tira un film assez plaisant en 1987. Il nous propose ici le récit de sa vie, rédigé peu avant sa mort en 2009, alors qu’il se sait condamné.

Autobiographie

La vie et rien d’autre constitue donc une sorte d’autobiographie. C’est l’occasion pour Ballard de nous plonger dans un monde disparu, celui de ces fonctionnaires anglais de l’ancien empire colonial, expatriés et  bénéficiant d’un mode de vie très aisé dans une Chine alors soumise à l’influence occidentale. Tout connaisseur de l’auteur ne peut s’empêcher de faire le parallèle avec les descriptions du début du monde englouti où Ballard nous montre des hommes et des femmes condamnés à l’oisiveté et vivant dans un luxe suranné. On comprend aussi où il est allé chercher son inspiration pour les nouvelles de Vermillion Sands, décrivant de riches anglais oisifs et leurs loisirs futuristes.

Une déception relative...

A contrario, les passages consacrés à l’occupation japonaise et à la vie dans le camp où il fut interné trois ans sont plutôt ternes, surtout quand on garde en mémoire la force d’évocation d’ Empire du Soleil. De  son retour en Grande Bretagne, on retient que l’adaptation fut difficile, que Ballard se sentait comme un étranger dans son propre pays. Il nous raconte les grandes étapes de sa vie : ses études de médecine, son mariage, la mort de sa femme. Puis son activité d’écrivain, sa participation au magazine de science fiction New Worlds — véhicule de la new wave, mouvement remettant en cause dans les années 60 la science fiction traditionnelle — sous l’égide de Michaël Moorcock…

En fait ce livre plutôt décousu n’apporte rien à la gloire littéraire de son auteur. Ballard s’était souvent mis en scène dans ses romans mais il s’agit de la première fois où il n’y a pas de recul de sa part. Dans Crash !, le personnage central portait son nom mais il y avait une distanciation entre le personnage et le romancier ; idem pour le petit Jim dans Empire du soleil. Rien de cela ici. Juste un récit sans artifice et finalement assez plat.

L’ensemble finit toutefois par émouvoir : on a l’impression d’effectuer une dernière ballade avec un vieil oncle, de lui dire adieu au seuil de la mort. On aimerait lui dire qu’il nous a beaucoup apporté mais pas la peine : il le sait très bien. So long, Jim.

Sylvain Bonnet

James G. Ballard, La Vie et rien d'autre, traduit de l'anglais par Michelle Charrier, Gallimard, "folio", janvier 2011, 297 pages, 6,80 €

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