"Sang royal" : complots à la cour d'Henri VIII, dressed to kill

SANG ROYALAprès Dissolution, finaliste du prix Ellis, C.S Samson nous offre une nouvelle aventure de Matthew Shardlake, l’avocat bossu à la cour d’Henri VIII. Un roman qui tombe bien alors que les Anglais célèbrent cette année le 500e anniversaire de l’arrivée au trône du roi aux six femmes.

 

Touchez ma bosse


 Après la mort de Cromwell, son ancien protecteur, Matthew Shardlake s’était pourtant juré de se tenir à l’écart du pouvoir car à trop s’approcher du feu, on finit par se brûler. Cromwell en a fait les frais : après l’échec du mariage du roi avec Anne de Clèves, ses ennemis ont précipité sa chute. Un bourreau inexpérimenté et trois coups de hache plus tard, la tête de celui qui a joué un rôle majeur dans la réforme anglicane, se retrouve bouillie et exhibée sur le pont de Londres. Notre bossu compte donc rester éloigné des intrigues de la cour. Mais c’est sans compter l’archevêque Cramner qui le convoque pour lui confier une mission touchant à la sécurité de la couronne. Une mission qu’il ne peut refuser : se rendre à York et veiller à la protection d’un des meneurs catholiques du Pèlerinage de la grâce jusqu’à son transfert à la tour de Londres où il sera soumis à la Question. Accompagné de son assistant Barak, Matthew Shardlake se rend rapidement compte que le prisonnier menace moins l’unité religieuse du royaume que la légitimité de la couronne. Meurtres, complots et secrets s’enchaînent : la bosse n’est pas toujours signe de chance et Matthew Shardlake en fait une fois de plus l’expérience.
 

 La Grâce et le bâtard


C.S Samson nous plonge ici dans l’atmosphère de complots caractéristique du règne du plus controversé des Tudor, cet homme qui imposa à ses sujets une nouvelle religion et qui exécuta deux de ses six femmes. L’épisode du voyage dans le nord d’Henri VIII, auquel notre avocat participe, reste méconnu du grand public. Pourtant, ce voyage doit mettre un terme à une des plus grandes menaces du règne d’Henri VIII, celui du pèlerinage de la Grâce qui éclate en 1536.


Les motifs de cette révolte, longtemps débattus par les historiens, sont multiples. Economiques d’abord : les caisses vides du royaume et les dépenses somptuaires du roi ont mené ce dernier à augmenter les impôts entraînant le soulèvement de la noblesse du Nord. La chute des salaires et la clôture des terres renforcent le mécontentement.

 

Politiques et religieux ensuite, les deux étant intimement liés durant le règne des Tudors. Les mariages successifs du roi et leur contexte, les nombreuses exécutions ont sapé le prestige de la monarchie et la réputation personnelle d’Henri VIII. La dissolution des monastères dans une région où la religion catholique était fortement implantée, remet en cause le statut des paysans en dépendant et prive une part de la population de secours ce qui achève de mettre le feu aux poudres.

 

Avocat à la cour, Robert d’Aske, est choisi pour mener les insurgés qui entrent à York. Devant la menace, Henri VIII promet un grand pardon et un parlement se réunissant à York entraînant la dispersion des quelques 30 000 hommes qui ont rejoint la révolte. Les promesses du roi ne seront pas tenus et les meneurs sont arrêtés et exécutés. C’est ainsi que Matthew Shardlake découvre le squelette blanchi de Robert d’Aske, qui aurait été condamné à être pendu enchaîné aux murs d’York en guise d’avertissement à ceux qui voudrait braver l’autorité du roi.

 

Les lourds impôts levés en 1540-41 provoquent de nouvelles difficultés économiques. Une nouvelle conspiration de petits nobles et de religieux voit le jour : d’après les rares sources, les conjurés semblaient près à aller beaucoup plus loin en remettant en cause la légitimité de celui qu’ils considéraient comme un tyran ( Henri VIII est alors surnommé la Taupe) comme l’ambassadeur de France le signale. Ils auraient été prêts à s’allier aux écossais voir aux Français pour réaliser leur projet visant à déposer le roi d’où la référence à l’affaire Blaybourne. Le voyage royal dans le Nord s’inscrit dans ce contexte et marque la volonté d’Henri VIII d’imposer son autorité mais aussi sa légitimité.

 

L’intérêt de ce roman, au-delà de l’intrigue, vient surtout de la description qui est faite de ce voyage. L’auteur s’est basé sur de nombreuses sources, documents officiels ou travaux d’historiens pour en détailler les différents aspects comme les bruits, les odeurs ou encore la description de la supplique d’York. C.S Samson reconnaît volontiers avoir brodé autour des éléments qu’il a pu réunir pour recréer au mieux l’ambiance du cortège, ce dont on ne lui tiendra pas rigueur dans la mesure où il en informe le lecteur. Il explique également certains choix qu’il a dû faire comme par exemple éluder la présence du second coordinateur du voyage, Thomas Howard, afin de simplifier l’intrigue en raison du rôle tenu par ce dernier dans les précédents tomes des aventures de notre avocat. Il explique également le parti pris en ce qui concerne l’adultère supposé de Catherine Howard. En effet, la relation qu’elle aurait entretenue est décrite comme un simple flirt mettant l’archevêque Cranmer au centre d’une conspiration visant à entraîner la chute des conservateurs religieux de la cour d’Henri VIII. 


La vision qui est donnée d’Henri VIII ne se limite donc pas à ses mariages successifs : il apparaît ici comme un roi dur, sans compassion, rongé par la peur d’une nouvelle insurrection (d’où l’humiliation imposée aux notables de la ville d’York) et par la maladie. Le caractère changeant, la perte de confiance dans la royauté, l’odeur pestilentielle se dégageant de son corps sont parfaitement décrites. Un roi, dressed to kill, que l’on se plaît donc à redécouvrir.


Julie Lecanu

 

C.-S Sansom,  Sang royal, Pocket, mai 2009, 789 pages, 8,90 €



Sur le même thème

1 commentaire

Bill

J'ai lu ce livre très tôt dans mon adolescence il est simple mais m'a permis d'apprendre des choses sur  Henri 8 c'est une enquête captivante mais même si le livre a l'aire gros et fastidieux il est genial il fait partie des livres que j'ai le plus aimé dans mon enfance.