Jean-Noël Pancrazi, "Montecristi" ou Tartuffe sous les tropiques

Le propre du livre de poche, c’est bien... de l’avoir sur soi. Celui-ci ne tient pas plus de place que votre portefeuille, il s’embarquera donc aisément, d’autant qu’il se prête à se lire par étapes. Une longue et lente plongée à Saint-Domingue ne s’avale pas d’un trait, même par grosse canicule. La soif ne s’étanche quand prenant son temps. On doit savourer le suc de cette langue, découvrir les multiples descriptions, s’imprégner de l’atmosphère si particulière de cette portion d’île située à côté d’Haïti, sensée être plus riche, peuplée de touristes. Mais la population est aussi d’une grande pauvreté. Le narrateur qui a quitté Paris depuis des lustres, habite une villa en ruines, sans eau malgré tous les efforts de son plombier, du côté de Montecristi. C’est Noël, il fait toujours aussi chaud et lourd. Il dîne tous les soirs au Chic Hotel et s’est lié d’amitié avec Chiquito, le petit cireur de chaussures.
Mais voilà qu’un parasite sème la fièvre. Que la mer charrie des cadavres de poissons. Que les crabes changent de couleurs. Le mal s’est approprié la mer, disent les autochtones.
Après avoir balayé les vieilles croyances, il faut se rendre à l’évidence ; une fois encore les hommes se sont mal conduits. Et si le poison venait d’ailleurs ? En l’occurrence le quai le plus éloigné. Quelques dizaines de containers déposés par des bateaux états-uniens. Alors on parle de corruption et les hommes politiques s’emmêlent puisqu’ils peuvent démontrer qu’ils n’étaient pas aux affaires quand cela a débuté. Il faut étouffer le scandale pour ne pas faire fuir les touristes.


Cela rappelle - à moindre échelle - le drame de la Somalie. Où les bienpensants tentent de nous vendre le concept de pirates sans foi ni loi quand il s’agit de pêcheurs qui tentent de protéger leurs côtes des bateaux occidentaux qui la considèrent depuis plus d’une décennie comme la poubelle du monde industriel. Une journaliste italienne l’a d’ailleurs payé de sa vie. Daniel Morrera, le grand reporter, a signé récemment un documentaire sans appel. Mais l’ONU fait encore la chasse aux pirates quand il faudrait interpeler les patrons du CAC40, et pas cette fois pour un délit d’initié ou publication de comptes erronés... 
Un livre manifeste écrit dans l’un des plus beaux français qui soit. Un livre pour tenter de faire changer le monde. Jean-Noël Pancrazi y croit. Il semble qu’il n’ait pas été écouté. Mais cela ne change rien : son livre est parfait !


François Xavier


Jean-Noël Pancrazi, MontecristiFolio n°5274, Gallimard, juin 2011, 128 p. - 4,10 €

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