La Chute de Londres ou marcher au coeur d'un ville.

C’est en se baladant au cœur de la ville qui l’a vu naître que China Miéville a appris à poser sur les rues de Londres un regard. Le regard d’un citoyen de sa majesté, aiguisé par des années à écrire des livres, tentant toujours de voir au travers de la réalité pour comprendre l’histoire qui se déroule devant lui. Non forcément l’Histoire, cette grande fille aujourd’hui émancipée de Clio, mais la simple histoire de ces gens, de ces quartiers qui battent au rythme de la vie anglaise.


C’est alors l’occasion pour l’auteur d’écrire un pamphlet. Un petit ouvrage qu’il intitule la Chute de Londres, en référence à un tableau du peintre John Martin. Les JO de 2011 frappent à la porte de la capitale anglaise et la réalité que voit l’homme dans les rues est à des lieux de l’image romantique, romanesque parfois hollywoodienne, que tous peuvent imaginer.


C’est une invitation à changer son regard. À percer la brume de Londres pour se promener avec un vrai londonien. Il passe par les quartiers connus mais aussi par ceux qui ne signifient rien – ou presque – à un frog. Il porte cependant sur ces lieux un regard particulier. Ni celui d’un historien. Ni celui d’un sociologue. Ni celui d’un auteur. Ni celui d’un politicien. Un regard à part, celui d’un habitant voyant sa ville, ses changements. Comme si vous regardiez le bout de votre rue durant une vingtaine d’année. L’ambiance de chacune de ces petites pierres, détails insignifiants dans le mur et pourtant éléments essentiels de celui-ci…


C’est à n’en pas douter une chance qui s’offre au lecteur. Mais tous n’adhèreront pas à la démarche : Miéville offre un texte très bien écrit. Les mots se transforment avec aisance pour le lecteur et les photographies accompagnant le texte soutiennent cette promenade dans Londres. Cependant, au moment de clôturer l’ouvrage il ne reste qu’un constat, celui des difficultés que vivent cette ville et ses habitants. Le constat du banal et, à n’en pas douter, triste quotidien qui s’y déroule. Le constat de l’échec de tous ceux qui tentent de changer quelque chose en s’appuyant sur les institutions : les seuls « gentils » sont des habitants désabusés agissant par eux-mêmes pour l’auteur, les simples londoniens.


C’est donc un pamphlet surprenant, sans critique, sans solution. Un pamphlet sans espoir sauf dans ses dernières lignes. Et encore. Un espoir nuancé. Au final ce ne sont que quatre-vingt belles pages d’une ballade singulière. À n’en pas douter, la logique anglaise nous échappe.

Mais il reste un plaisir dans la lecture de la Chute de Londres qui fera de l’ouvrage un compagnon agréable pour quelques heures éphémères : découvrir Londres sous un autre regard.


Pierre Chaffard-Luçon


China Miéville, La Chute de Londres, Pocket, coll. Agora, octobre 2015, 96 p. - 7,70 €

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