Voix entre voix de Pierre Dhainaut : La lumière entre les mots

Ecrire, c’est approcher lentement, pensait André Dhôtel. Voilà une phrase que le poète Pierre Dhainaut aurait pu placer en exergue de son recueil Voix entre Voix. Ce petit livre vaut son poids de mots et pourtant c’est à la légèreté poétique qu’il est dédié : il est très court et très léger. Il pourrait s’agir d’un manifeste en faveur de l’écriture poétique, que le poète s’adresse à lui-même et qui justifie l’œuvre de bien des poètes. Ici, Pierre Dhainaut intitule « Echographies » ces tentatives de définitions de la poésie. Car il s’agit de tenter en écrivant un poème. Les mots sont rebelles, ils nous échappent, parfois l’un d’entre eux nous alerte, et notre souffle se met à son serviceNous aiderons les mots à respirer, nous qui respirons si mal, dit le poète. L’écriture passe les mots au crible, les rend à l’air dont ils étaient privés, les expose au souffle qui leur manquait. Il s’agit de restituer les voix de l’enfance, de retrouver cette candeur primitive qui fascine tant les vieillards au seuil de l’autre monde. L’écriture s’enclenche au premier mot, qui est une épiphanie. L’écriture est une chance, une sorte de miracle qui s’ignore et doit ignorer ses origines : Une annonciation, le poème, il dirait de quel dieu, ce ne serait plus un poème. 

 

La difficulté réside toujours dans le cheminement vers le poème qui est un assemblage hasardeux et qui échappe toujours à l’artisan devant son établi. En somme, il y a du jeu entre les mots et leur liberté vient de ce jour entre eux, cette lumière qui passe au travers ou dans les interstices de notre vie. Ecrire, c’est faire entendre une Voix entre les autres – c’est le titre du livre –, une voix qui entre. Dhôtélien toujours, le principe de Dhainaut, son exigence, aller vers la lumière, vers une lumière jaillissant de l’œuvre elle-même : Quelle est l’origine de la lumière ? Les peintres de jadis la connaissaient, ils en tenaient compte rigoureusement. Dans un poème nous allons vers elle : de quoi cette lumière est-elle la lumière ?

 

En écrivant, j’aimerais planter un arbre, énonce le poète qui, jusqu’ici, exposait les bribes de son art poétique dans une prose poétique. Encadrant celui-ci, des petits arbres en vers illustrent cette méthode qui cherche l’œil et l’oreille. On regrettera peut-être la brièveté de ce recollement – tentative d’assembler des tissus humains, rassembler avec de la colle –, mais ne lui reprochons pas ce qui préside à son éclosion : la grâce du tâtonnement et la légèreté de celle-ci :

 

Haletant, le poème,

il te précède, il va

recréer l’air

qui le recrée,

l’oreille l’accompagne.

 

Assourdissante

à son ressac la vague,

si calme

le battement du cœur,

tu es d’accord.

 

« Flamme » et puis « lame »,

l’écho faiblit ensuite,

le son ultime,

d’autres voix

s’y frayent un passage

 

Frédéric Chef

 

Pierre Dhainaut, Voix entre voix, L’herbe qui tremble, octobre 2015, 62 pages, 14 €    

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