Picasso aimait à dire que si l'on reliait​ d'un trait, sur une carte, chacun des lieux où il vécut, cela dessinerait sans doute la silhouette d'un taureau.​

L’itinéraire – celui-là avant tout intérieur – dont il est question en ce volume se trouve être, c’est heureux et bon signe, en étoile !
Il s’agit de celui de l’auteur lui-même, le poète Jean-Luc Pouliquen, qui reconnaissant et considérant le chemin jusque-là parcouru, témoigne de son aventure personnelle ; rendant grâce aux influences subtiles qui lui sont venues par affinités électives, en famille d’esprit, évoquant ses rencontres déterminantes, providentielles parfois, d’autres plus discrètes, et nous entretenant aussi de ce que, de surcroît à son œuvre, lui-même apporte ou suscite en partage. Par exemple, via l’expérience d’ateliers d’écriture poétique s’adressant aux enfants, également la critique et l’histoire littéraire.

C’est par la présence vigilante et les actions, engagées autant qu’engageantes, de tels veilleurs impénitents dans son genre, poètes exigeants d’abord, en  premier lieu, envers eux-mêmes et donc par là dynamiques, efficaces, porteurs, rayonnants, que la poésie peut exercer les capacités de sa fonction primordiale, autant dire tenir son rôle particulier auprès de l’individu en sa psyché, comme, plus généralement, au sein même de la vie de la cité.
Et non par celle, parasite, délétère, ne nous y trompons pas, d’écrivains quasi fonctionnarisés et/ou autoproclamés qui, souvent, sont plus aptes et habiles à monter des dossiers qu’à écrire et publier en poètes véritablement libres et, tels quels, assumés.

Aussi, ce recueil de textes explicites vient à son heure : n’aurions-nous pas, justement, après ce qui vient de nous mettre gravement en garde depuis l’invisible, grand besoin intérieur en même temps que tout intérêt, urgentissime pour la vie de la planète entière, de nous verticaliser, chacun et chacune, encore et toujours davantage ? Plus que jamais à vrai dire ; je le pense.
Or, par l’alchimique transformation qu’elle opère et procure immédiatement à sa lecture comme en la pratique de sa mise en œuvre, en sa création, la poésie est un des outils formidables qui s’offrent à nous, toujours à disposition. Et cela, qui que nous soyons.
Elle peut ainsi nous entraîner sur le chemin d’une incessante renaissance intérieure si, au départ, nous sommes bien entendu assez sages, forts et enthousiastes, pour - la reconnaissant salutaire, guérisseuse même - lui accorder lieu de vie en notre âme et en notre conscience chaque jour que Dieu fait.
Ce à quoi Jean-Luc Pouliquen nous invite fortement par l’exemple en nous familiarisant avec le riche et dense terreau spirituel qui est le garant de la valeur et de l’authenticité de sa vie comme de son œuvre poétique. Qu’on en juge : au fil du temps – je les cite ici en désordre – Bachelard et Berdiaev se trouvent constellés à Serge Bec, à André Salmon, à ceux de l’École de Rochefort.
René Char, Bertrand d’Astorg, d’autres présences encore irradient en ces pages. Telle celle de la chère Lucienne Desnoues ayant elle aussi toujours œuvré en ce même esprit sans, non plus, aucun compromis de sa part : Contrairement à cette avant-garde qui ne se veut la fille de personne et fait avec ingratitude débuter la poésie ou la peinture à ses propres travaux, j’aime surprendre chez les grands artistes les traces de l’hérédité, écrivait-elle en 1966.

Certes, le pouvoir de la poésie est bel et bien immense, incommensurable, phénoménal au plus haut point, mais tout autant fragile, et vulnérable aussi. Il ne dépend que de nous…
 

André Lombard
 

Jean-Luc Pouliquen, Itinéraire poétique en étoile, 125 p.-, Amazon, janvier 2020, 5,93 €

Du même auteur : Faire vivre la poésie.