Une anthologie qui embrasse un Nord plein de surprises : "Il pleut des étoiles dans notre lit "
Peut-on embrasser la poésie au-delà des frontières ? Y a-t-il
cause commune entre le Danemark, la Finlande, la Suède, la Norvège et
l’Islande ? Littéralement parlant, la réponse est oui. Il y a un pôle
magnétique qui tend la poésie vers le sublime. Un lieu d’éther qui serait à la
fois réel et symbolique. Un endroit magique où la boussole s’affole. Trop
d’aimants dédiés aux désirs et aux rêves...
Le poète aussi ne perd pas de vue le Nord. Marin des mots sur les flots houleux
des langues, il conserve le secret du sens. Il maintient le cap contre vents et
marées politiques. Il distille les sortilèges en célébrant l’égarement comme un
baume sur les plaies purulentes de la réalité imposée. Car au-delà des
alternances civiles il demeure la nature. Cette géographie baignée d’une nuit
éternelle des mois durant. Il doit alors pleuvoir des étoiles dans les lits
pour aider les âmes grises à attendre la renaissance du soleil...
Et malgré les engagements différents, les chemins d’écriture dissonants, il y a
en partage le même dessein. Cette lueur d’hiver qui hante les consciences.
Cette écriture cinématographique où la profondeur de champ mêle astucieusement
neige et ciel.
Inger Christensen, Pentti Holappa, Tomas Tranströmer, Jan Erik Vold
et Sigurdur Pàlsson portent la culture scandinave vers les sommets poétiques.
Ce sont d’authentiques poètes. Ballotés par les nuits et les rochers glissants,
ils savent que jamais ils n’arriveront à bon port. Mais qu’importe puisque seul
ne vaut d’être vécu que le voyage. Que le voyage en frissons et délicatesse,
écriture des sons et du voir, musique du sens... On suivra donc chaque voix qui
porte en elle sa matrice. A contre-pied, comme celle de Jan Erik Vold, portée
par le jazz. Osant les ruptures stylistiques, se moquant des convenances.
Cachée dans le mystère (Tranströmer, Prix Nobel 2011) pour pouvoir mener sa
quête en toute quiétude et affronter l’opacité des signes, l’irréductibilité des
choses. Ironique et délicate mélodie que la poésie de Pentti Holappa qui se
teinte aussi de mélancolie... Ou cristalline comme celle d’Inger Christensen
qui n’en est pas moins une célébration alarmée, un souffle sombre dans le
tourbillon de l’existence...
Une anthologie qui embrasse un Nord plein de surprises.
Annabelle Hautecontre
Collectif, Il pleut des étoiles dans notre lit - Cinq poètes du Grand
Nord, préface et choix d’André Velter, traductions de Janine et Karl
Poulsen, Gabriel Rebourcet, Jacques Outin et Régis Boyer, Poésie/Gallimard
n°475, mars 2012, 128 p. - 5,00 €
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