André Markowicz, "Le Soleil d’Alexandre - Le cercle de Pouchkine 1802-1841 - Poésie lyrique du romantisme russe"
La poésie russe ne débute pas réellement avec les écrits de Karazime, mais chez lui, au sein du Courrier de l’Europe, revue qui l’amène à publier en 1802 une monumentale Elégie d’un jeune inconnu, un certain Andréï Tourguéniev. Qui sera suivie de l’Elégie dans un cimetière de village de Vassili Joukovski. Une transposition du poème de Thomas Gray que toute l’Europe littéraire commente et traduit. C’est le coup du starter. Le début d’une longue et infinie course à l’excellence. Jamais encore on n’avait entendu la langue russe comme cela. Jamais on n’avait senti qu’elle était en capacité de produire une telle musique. De se retrouver en harmonie avec son époque. De représenter une telle finesse d’écriture et d’évocations...
Des poètes qui habitent cette anthologie, seuls quatre vieilliront
tranquillement. Tous les autres sont morts avant cinquante ans. La plupart de
mort violente. Ou d’une maladie. Victimes de la violence du régime sous lequel
ils vivaient...
En traduisant ces poèmes, André Markowicz a voulu évoquer la génération brisée
par le 14 décembre 1825. Jour de prestation de serment de Nicolas 1er qui vit
deux cents jeunes aristocrates vouloir imposer par la force une nouvelle
constitution. La tentative de coup d’Etat est un échec. La répression fut d’une
violence totale.
Il ne s’agit pas ici d’une anthologie du romantisme russe. Il s’agit plutôt d’esquisser l’histoire d’une génération. De tendre des ponts entre les textes. De mettre face à face des poèmes qui dialoguent. Même à travers les années. Pour se faire, Markowicz les présente dans un ordre chronologique strict. Donnant un petit air de fiction parfois. Car, bien évidemment, la plupart d’entre eux n’ont pas été publiés l’année de leur composition. Voire sont restés inédits du vivant de leur auteur...
Le concept du livre a vu le jour dans une citation d’Ossip Mandelstam. Et lui a
donné son titre. En décembre 1917, Mandelstam écrivait dans les strophes de Cassandre,
avec d’autres poèmes de révolte et de combat, devant l’avènement de la
dictature bolchévique et l’écroulement, qu’elle portait en germe, de l’ancien
monde :
"Malade,
silencieuse Cassandre, / je n’en peux plus - pourquoi / luisait le soleil
d’Alexandre / voici cent ans, luisait pour tous ?"
Ce livre s’est donc tout naturellement organisé autour de la voix de
Pouchkine... Car il a toujours été au centre des débats. Mais plus encore. Il
est un miroir. Il est lieu de la reconnaissance de toute personne qui possède
le russe comme langue maternelle... Il est bien plus qu’un poète ! Il est
l’air que l’on respire...
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