Maram al-Masri : Femmes poètes du monde arabe

Si préparer une anthologie est un travail d’amour, ici en est la preuve. Ces poèmes réunis sous la fameuse couverture striée du Temps des cerises est un paysage qui se contemple. Tranquillement. C’est un avant-goût d’aventure. Il faut s’y préparer. D’autant que des femmes poètes du monde arabe, voilà qui a le mérite d’être clair. Il n’y aurait donc pas que des fanatiques islamisés dans ces contrées ? Bonne nouvelle ! Et cela vient des femmes, cette bonne nouvelle. Encore une occasion de se réjouir. Ces poèmes sont fleurs sur le mal du monde actuel. Ces poèmes sont baumes sur l’Orient qui pleure. Une poésie parfois dure. Une poésie qui dénonce mais qui guérit, aussi.


Et comme le public semble ignorer la place de la condition féminine dans le monde arabe, cette anthologie devint indispensable. L’écriture des femmes arabes existe ! Le paysage poétique des femmes du monde arabe est riche. Souvenez-vous : dans l’histoire de la culture arabe classique, plusieurs femmes firent entendre leur voix. Notamment pendant la période pré-islamique. Une femme a donné de la voix. Elle se nommait al-Khansa. Célèbre désormais pour ses poèmes d’éloge funéraire à son frère. Mais il y eut aussi Rabia al-Adaouya. Ancienne prostituée connue pour ses chants religieux d’amour à Dieu. Et Wallada, la princesse andalouse, fille de Mistaqfi : elle, chante l’amour charnel avec un autre poète célèbre, Ibn Zaydun…


Rêve (Leïla al-Sayed – Bahreïn)


Hier,

j'ai déchiré mon rêve

en marchant dessus

J’ai élagué tout ce qui ne doit pas rester…

Tout en marchant

j'ai laissé derrière moi mes éclats de rire

et j’ai passé sur l’autre rive

après avoir ôté mon sourire

et j’ai marché sans poésie,

sans amour

Puis j’ai constaté que mon corps

était encore plein de désir

Je l’ai donc laissé tomber devant la porte

et je suis entrée

sans corps

et j’ai rêvé que les victimes viendraient ce soir

et inscriraient mes péchés…


Au XXe siècle, en rapport avec le mouvement de libération et de modernisation des sociétés arabes, des femmes sont réapparues. Les plus fameuses : Nazik al-Malaïka (Iraq), Fadwa Touqan (Palestine), Colette Khoury et Ghada al-Saman (Syrie). Et depuis quelques années, c’est la fleuraison ! La poésie féminine arabe s’est enfin réveillée. Sans doute avec l’aide du web. Sacré réseaux sociaux !


Vous allez être étonné par le respect de la tradition poétique arabe. Et quelque fois aussi par la modernité des textes. Mais il y a au-delà une liberté d’expression extraordinaire ! Le ciment qui les unie toutes… Une liberté gagnée dans un monde difficile…


Aveux (Hanadi Zarka – Syrie)


Une ville trop étroite

Elle ne me convient pas

Elle n’est pas bonne pour mon petit frère

Dans une autre ville

dans un autre lit

j’étais une autre femme


Annabelle Hautecontre


Maram al-Masri, Femmes poètes du monde arabe – anthologie, Le Temps des cerises, mai 2012, 230 p. – 16,00 €

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1 commentaire

anonymous

Subtile, provocateur et si juste : "Il n’y aurait donc pas que des fanatiques islamisés dans ces contrées ? Bonne nouvelle ! Et cela vient des femmes, cette bonne nouvelle. Encore une occasion de se réjouir. Ces poèmes sont fleurs sur le mal du monde actuel."