Antoine Emaz : stagnations et miroirs
Si peu profondes que soient les flaques elles laissent poindre un peu
de transparence. Surtout lorsqu’il s’agit de celles qu’abandonne l’écriture
d’Antoine Emaz. Loin de tout hasard objectif ou de la réalité factice il faut
les prendre pour un songe lucide et éveillé au creux de l'asphalte des encres
de Marchetti. Elles débordent de vie noire éclose dans des hantises profondes
où se cheville toute l’œuvre du poète. Le peu qu’il sait et qu’il énonce trouve
dans l’ « image » de la flaque une forme d’artefact. Celui-ci témoigne
d'une fraternité mystérieuse entre l’être et ses trottoirs. Le poète, en hussard
objectif, en n’épuise jamais le cristal.
Sorte d’enfant d’eau à le recherche des ombres, il propose une écriture qui maîtrise les illusions d’otique afin de ne jamais tomber dans du rêve creux. De chaque mot il accepte l’énigme là où la parole qu’il doit autant à l’attente qu’au silence. Cette parole où il s’engouffre, ne peut se reprendre dès qu’elle est donnée, c’est la parole engagée et qui en dépit de la métaphore n’arien de stagnante. Et parce que le soir vient il choisit de ne pas se terrer. Il parle encore, il va parler, il va tel l’enfant d’eau les pieds dans la flaque pour brouiller ce miroir et pour compter les rides qui s’étendent à sa surface. En espérant que chaud soleil d’août vienne plus tard les aspirer. Même si pour comprendre la flaque il ne faut pas l'assécher mais deviner son hôte. Son désert est là mais en son sable émouvant
Jean-Paul Gavard-Perret
Antoine Emaz, Flaques, encres de Jean-Michel Marchetti, Editions Centrifuges, décembre 2013, St. Jean la Bussière, 110 pages, 12,50 €.
15 commentaires
Merci de retirer cet article qui parle d'un livre qui n'est pas encore sorti. C'est absolument hors sujet. ça manque cruellement d'honnêteté intellectuelle ce genre de procédés.
Merci.
Je ne vois pas pourquoi il conviendrait de retirer cet article. Beaucoup des livres dont nous parlons sur ce site sont critiqués avant leur sortie. C'est le propre du journalisme littéraire que d'annoncer avant parution la publication prochaine d'un livre.
Merci de votre message. Je travaille depuis longtemps sur l'oeuvre d'Antoine Emaz que j'ai entre autres présentée dans plusieurs articles. J'ai aussi animé une rencontre avec le poète lors d'un séminaire sur la poésie contemporaine.
Nous ne nous cachons pas derrière l'anonymat. Votre formulaire semble ne pas fonctionner (idem pour Jean-Paul Gavard Perret qui semble répondre ci-dessus). C'est donc au nom des éditions Centrifuges que je vous écris (ed.centrifuges@gmail.com). Le livre est annoncé sur la page facebook, il est précisé qu'il paraîtra en décembre. "Beaucoup des livres dont nous parlons sur ce site sont critiqués avant leur sortie" dites vous. Je ne vois pas comment on peut faire ça de façon honnête et documentée. C'est sidérant. Certes on peut connaitre, très bien connaître le travail de l'auteur, l'avoir rencontré une fois, je n'en doute pas. Mais cela ne dispense en rien de lire le livre dont on parle pour le faire en connaissance de cause. Annoncer une parution, c'est bien différent. Ce n'est pas le cas ici.
La plupart des éditeurs adressent aux critiques littéraires les livres avant qu'ils ne soient disponibles en librairie, de manière à nous permettre de faire nos articles pour la date de parution. C'est à peut près comme cela que ça fonctionne depuis toujours.
Oui, il y a là quelque chose qui nous échappe. C’est bien la première fois que je vois un éditeur mécontent d’un article élogieux sur un livre qu’il publie…(Ou qu’il s’apprête à publier, ce qui ne change rien à mon étonnement )
« Je m'interroge sur le sens de votre intervention : Jean-Paul ne serait pas "honnête" ni "documenté" parce qu'il a lu un livre avant que vous lui en ayez donné le blanc seing ? Effarant ! » Je vais donc vous expliquer ça le plus clairement possible :
Jean-Paul n'a pas lu le livre. Le livre n'est pas encore imprimé. Je ne remets pas en cause son intérêt pour le travail d'Antoine Emaz ou même la générosité de son geste lorsqu'il rédige cet article. Mais je m'interroge : rédiger un article façon note de lecture alors qu'on n'a pas eu le livre en main est-il une façon pertinente de défendre le travail d'un auteur qu'on aime ? Je ne pense pas. Lire d'abord. Passer du temps avec. Creuser.
« Que Jean-Paul ai dit son mot avant ou après parution, ça change quoi ? En quoi vous sentez-vous blessé d'avoir des lecteurs informés par un journaliste honnête et consciencieux ? » Il n'est pas question de blessure mais de stupéfaction. Encore une fois, comment peut-on rendre compte d'un livre que l'on n'a pas lu ? Le problème n'est pas qu'il parle de ce livre avant sa parution mais qu'il en parle comme s'il l'avait lu, comme s'il avait vu les encres de Jean-Michel Marchetti qui n'ont rien à voir avec ce qui figure sur la couverture d'ailleurs. Ne trouvez-vous pas cela étrange ?
Que Jean-Paul témoigne ici de son intérêt pour les livres d'Antoine Emaz est indiscutable. Mais sur ce coup, en parlant de Flaques, précisément, il n'est pas honnête. Il n'est pas documenté non plus. Libre à lui de fonctionner ainsi. Libre à vous de ne pas vous en étonner.
Nous souhaitons simplement clarifier les choses. Nous avons à cœur de défendre les livres que nous éditons pour ce qu'ils contiennent. Et défendre un livre n'est pas se satisfaire de notes élogieuses. Nous avons certes besoin du relais et du soutien des journalistes pour faire connaître nos livres. Mais pas à ce prix. Nous ne sommes pas commerçants. Nous n'avons pas besoin de pub mensongère. Je crois qu'il est question, sans cette histoire, d'une position éthique de base. Rien d'autre.
En qualité d'écrivain, d'éditeur, de responsables de revues littéraires, c'est la première fois en vingt ans que je suis confronté à ce type de polémique (et j'aimerais savoir ce qu'en pense l'auteur). La contribution de Jean-Paul n'est rien d'autre qu'un exercice d'admiration d'un auteur qu'il connait, dans la perspective d'un livre à paraître.
La question de l'éditeur est de voir ses ouvrages lus, et a priori Jean-Paul a parlé d'un livre sans l'avoir lu ni eu en mains, sauf si ses relations privilégiées avec l'auteur permettent un accès au texte sans que l'éditeur soit informé.
Bel article
fort intéressant.
Le débat, dont nous attendons ici le verdict avec la réponse de Jean-Paul, est loin d’être inintéressant. Car il pointe du doigt – presque malgré lui – le problème de la critique de la poésie contemporaine, qui pèche souvent par son évanescence et son hermétisme. Le discours des critiques poétiques est parfois si abstrait qu’il en devient confus. Ainsi, s’il s’avère que Jean-Paul – nous attendons sa réponse sans aucun préjugé – n’a jamais lu les poèmes qu’il commente, nous serions bien dans ce cas de figure où la critique est si abstraite qu’elle peut, peu ou prou, s’appliquer à toute oeuvre poétique sans distinction. Et nous serions forcé de saluer l’honnêteté des éditions Centrifuges qui refusent l’éloge si celui-ci n’est pas documenté. Mais attendons la suite…
Jean-Paul connaît très bien et personnellement l'auteur duquel il propose un portrait élogieux et tendre. L'éditeur s'offusque d'avoir été "trahi" alors qu'on lui donne une belle vitrine, qu'il vient casser tout seul en croyant déceler une supercherie (qui serait en plus à son avantage). Je crois que d'un point de vue de la névrose paranoïaque on atteint des sommets d'autant que la façon de faire savoir son étonnement n'a pas été d'une grande élégance...
Oui, cher Loïc, la question est de savoir se situer entre l'honnêteté intellectuelle de l'éditeur, dont je parlais plus haut, et l’absence de souplesse et de courtoisie de celui-ci, que vous pointez du doigt à juste titre... L'art diplomatique consiste sans doute à apprendre sans ciller des choses que l'on sait, de personnes qui les ignorent.
Bien que cela soit inédit qu'un éditeur se plaigne de ce que l'on chronique élogieusement un de ses livres, je trouve quand même indispensable de mentionner sur les papiers mis en ligne que le livre n'a pas été lu comme ça a l'air d'être le cas, et que le billet n'est donc qu'une info de parution, à moins que le chroniqueur ait lu le manuscrit...
Maintenant, il est vrai que l'éditeur n'a pas l'art de la courtoisie quand il remet en cause l'honnêteté du chroniqueur , et son argument de "hors sujet " est confus... C'est presque kafkaïen cette histoire ...