Carole Carcillo Mesrobian et Jean Attali : l’un cache l’autre et vice versa

 

Entre espoir et désespoir, dehors et dedans, soi et l’autre, le livre de Carole Carcillo Mesrobian et de Jean Attali débouche sur une forme d’impossibilité. Certes la brassée des poèmes prend valeur d’un bel échange mais dont l’ambition est contrariée par les effets de réalité. Au milieu des images, parfums et sons le monde prend parfois l’allure d’une gare désaffectée. À l’extrême des bords du bleu, tout en haut, l’œil écoute mais ne distingue jamais que peu ce qu’il en est de l’amour : une sorte de  tête d’épingle dans la brûlure pâle qu’on voit avec le cerveau plus qu’avec l’œil, qu’on entend triller dans l’élévation de quelques oiseaux.

Et les dessins de Jean Attali sont là pour signaler la violence de l’impossible, la force de thanatos dans l’éros. La poétesse veut croire au second, l’artiste lui rappelle une certaine « discipline ». Jusque dans l’étouffant sirocco de l’amour l’obscurité grandit. La nuit garde son aura et porte ses coups. Mais la poétesse au bestiaire fabuleux - recourbée sur le réel pour le soulever parmi les laisses de ses poèmes - crée les anneaux qui traversent ses lèvres. La strie, le percement, les dessins les balafrent, le sexe est très méthodiquement guilloché. Le jeu des corps tient à des séances de dressage. Mais Carole Carcillo Mesrobian tient son cap. Comme si qui  « voit sa mort », voit sa petite mort que la douleur lave et couronne. Reste l’appel du désir de manière subtile et profuse. En femme-lige, à côté des dessins où le corps croule, l’auteure ne sera pas taillable et corvéable mais finira adoubée en Reine. Il faudra  pour cela attendre son prochain livre. Dans l’attente, celui-ci est parfait.

Jean-Paul Gavard-Perret

Carole Carcillo Mesrobian et Jean Attali, « Le sursis en conséquence », coll. « La bibliothèque d’Orphée », Les Editions du Littéraire, Paris, 96 p., 15 E., 2017.

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