Frank Smith : Voix

Frank Smith donne ici à ses semblables et frères (sœurs idem) remarques et conseils - même si l’impératif de chaque segment pourrait faire penser à des ordres. Le tout sous l’égide d’une injonction capitale : ne pas se conformer à un usage - soit-il prétendu bon - et fonctionner par « intersections ou croisements de trajectoires » en lieu et place d’une ligne générale propre à foncer dans les murs. Il vaut donc mieux la déroute que la route non pour dériver dans l’abîme mais s’extraire des exercices d’imbécillité que toute règle implique.

Sortant la littérature de la nostalgie où tant d’auteurs la laisse croupir, mais sans pour autant créer des « châteaux en Espagne », l’auteur apprend à être là, avec les autres, non en fusion (qui n’est que con-fusion) mais en préservant leur altérité afin  que le multiple demeure. Si bien que le chœur des être n’est pas un unisson. Il est fait de vibrations altières et ne refuse pas la rudesse, la distance, l’aléatoire. Il renonce à l’abstraction et affronte la matérialité dans ce qui devient un magma, un théâtre de paroles. A l’inverse de celui de Novarina, il est moins lyrique. Il cherche moins l’envol que l’arrimage dans un travail  démiurgique qui propose sans cesse le retour à l’être et au monde tels qu’ils sont.

Mais Smith en appelle à une vision où les notions de victimes et de bourreaux s’estompent. Son « cantos » est destiné à créer une virulence agissante sous l’effet de l’ictus, de la nécessaire scansion du « devoir » à s’accomplir là où tout s’enfonce  dans « l’immense mouvement de ce qui se cherche à dire » et dont l’auteur s’approche par effet de vagues successives.

Jean-Paul Gavard-Perret.

Frank Smith, « Chœurs politiques », coll « Ré/velles », Editions L’Attente, 80 p., 9 E., 2017.

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