Richard Meier : Couteau suisse du poète et de l’artiste

Richard Meier est un artiste complet. Il trouble le cosmos comme les fossés en se moquant des hiérarchies que les arbitres de la culture imposent. Ses livres sont ceux que le  Don Quichotte au sang chaud pensa mais surtout qu’il réalise d’un bout à l’autre pour éviter tout désespoir.

Chez lui le livre ne vacille jamais : il danse en devenant son propre instrument de musique. Mais à l’orgue à prière il préfère le livre accordéon pour iriser l’Infini et dompter les abîmes en des angles multiples.

De tels livres peuvent dérouter un individu. Voire une génération qui ignore tout du live. Pourtant dans toutes ces créations existe l’espoir d’une voie à suivre là où la  peinture a déserté les grottes et s’est remise à figurer dans des pages "catabombes" en  lieu et place combes ou de combles.

Metteur en scène d’orages Richard Meier a mieux à faire  que scruter les âmes. Ceux d’ailleurs qui s’en préoccupent ressemblent à des vautours qui  observent les poissons depuis les hauteurs de l’air.  Mais l’auteur préfère la farce au sublime, la rature au pensum. En des ronds et coulure l’important est moins d’écrire  et de dessiner ce qui tombe sous le sens mais dessus.

Dans ce mariage, les opportunités se multiplient. Les tentations aussi. Une culotte de dame porte des signes de circulation et certains indices prouvent des visitations scabreuses. Preuve que les livres de l’auteur restent ceux des liaisons dangereuses.

Mais ils sont aussi le signe que l’amour sauvera le monde, du moins probablement  (les cancans peuvent séparer les amants). Mais en fait de choix Meier est un sage : il ne veut pas nécessairement des anges. Il s’est dit-on contenté jadis de diablesses lorsque tel en mendiant il se portait aux portes impériales de l’amour (il ne s’agit probablement que des dira-t-on de certains ratons baveurs.)

D’autant que dans ses livres la palpitation est en discrétion même si en ce travail le combustible n’est jamais la froideur. Les grains de folie essaiment là où la supposée noirceur cultive l’aphorisme mais tout autant les taches de vieillesse. Bref dans un monde constipé de tels livres battent la compagne : uniquement lorsqu’il s’agit de la raison.

Mais ils font réfléchir de manière insidieuse. Un dé d’imperfection programmé renforce le mystère de la beauté. C’est ce que les talents médiocres  ignorent : ils tablent sur le bien mis et l’ajusté. L’impertinence du créateur - même celle  d’être venu au monde -  ne peut se muer en un tel confort. Il n’a pas de statues dans sa tête seuls les rêves y survivent même si au fil du temps ils peuvent se  fissurer.

Jean-Paul Gavard-Perret

Richard Meier, « Un œil pour les yeux », et « Dynamo des Tropismes », Voix éditions, 2017.

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