Valérie Linder à fleur d’existence

Par ses poèmes comme par ses dessins Valérie Linder ne cherche jamais à saisir une globalité. Pour suggérer le mystère de l’adolescence (Petite chronique) ou de l’amour (Vibrionnante) les surfaces du poème ou du dessin échappent à toute rigidité. La créatrice se sert sans doute de sa propre vie et de celles de ses proches comme source d’inspiration. Poreuse, elle sait évoquer le corps et l’âme des femmes dans des temporalités diverses.
Son observation s’étend autant sur le physique que sur les émotions enfouies. Là où la part à l’anomalie, à la fragilité et à la maladresse demeure importante.

De son héroïne l’auteur note qu'elle se lave de plus en plus souvent les cheveux. Sous forme d’éléments épars disjoints se recrée une archéologie de l’adolescence dont Valérie Linder accumule les traces de vie. Les sensations semblent passées sous silence. Les faits suffisent comme preuves du vivant. Cela permet de faire des mises au point sur des moments anodins mais tout autant significatifs où le signifiant reste caché selon une feinte de naïveté et sous couvert de description anodine.

Ame et corps deviennent un terrain foisonnant et empirique dans ce que prépare le temps de l’adolescence comme celui de l’amour. De manière dispersive la chrysalide devient papillon. Et plus tard d’autres papillons agitent son ventre.

Valérie Linder observe en temps réel, filme, relève minutieusement le corps en sa matérialité nouvelle en une suite de moulages aussi précis que concis. Elle coupe plus qu’elle ne tranche. Elle ne traite pas le corps pour lui-même mais pour sa transformation. Il s’agit de récréer les multiples façons de vivre l’instant et la durée. Les situations sont présentées comme des temps condensés ou distendus. Même les petits gestes du quotidien - ceux que nous faisons spontanément sans y penser - deviennent les symptômes d’une vie en éclosion. Tout est dit là où apparemment rien n’est dit. Ou si peu.

Jean-Paul Gavard-Perret

Valérie Linder, Petite chronique adolescente, Potentille édition, et Vibrionnante avec un texte de Claudine Paque, Esperluète éditions


 


 

 

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