Paul Nougé et les extases négatives

Ecrivain et photographe Paul Nougé a su rendre le monde inquiétant jusque dans de moindres détails et au sein même de l’érotisme : il suffit d’une  une paire de gants prêts à s’échapper d’une boîte tandis qu’une femme, le dos tourné, chemine à la surface d’une muraille à la manière d’un insecte.

Bref l’artiste  brouille les pistes comme les valeurs du vrai et du faux, du réel et de l’illusoire en des mise en scène et en mots minutieusement calculées bien loin de l’idéal de spontanéité énoncé  par Breton. A l’inverse de lui il se détache de la question du moi, de la subjectivité, au profit d’une sorte d’ « objectivité » habilement montée et reconstruite.

L’« objet bouleversant » que peut être la poésie se passe chez Nougé de tout ce que le Surréalisme a entretenu : la mythification et la mystification. Pour Breton il s’agissait par ce stratagème fallacieux de reconquérir une liberté d’imagination étouffée par le positivisme ambiant.
Nougé  a toujours cherché moins à la négation des formes qu’à leur transformation afin de donner à lire ou à voir l’impensable, l’invisible selon une réflexion alternative. Elle permet de percevoir le monde familier de manière subversive attentive par une suite de dérapages.  Dans ses instantanés, « La Chambre au miroir » crée un univers de montages suffisamment originaux pour donner à la production photographique et poétique de l'auteur un jeu impertinent propre à mettre en abîme le regard voyeur donc humain.

« De la chair au verbe » comme du verbe à l’image l’érotisme relève  d’une technique originale où l’objet du désir se vide en partie de sa substance afin de créer une image qui échappe autant au réalisme qu’à une stylisation d’une prétendue beauté. Ce dernier terme Nougé l'estime « confus », superflu et hérité du romantisme.Rompant avec les critères d’authenticité, de vérité et de spontanéité, l'auteur préfère le calcul et la méthode à la sincérité.

Jean-Paul Gavard-Perret

Paul Nougé, Au palais des images les spectres sont rois – Ecrits anthumes 1922-1966, Allia, 2017, 792 p-., 35 euros

 

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