Théo Crassas captif et consentant

Dans un mixage de divers imaginaires antiques et contemporains Théo Crassas reste un père de la poésie et son "saint éboueur" là où la sensualité se nourrit de spiritualité. Sous l'égide de la Montagne Sainte Victoire, celle de "L'Asie transportée en Provence", la fonction poétique se mêle à la fertilité féminine.

L'auteur s'arrime au sacré sans adorer ceux qu'on monte sur le trône de Saint Pierre de Rome ou sur d'autres piédestals. De chaque culture l'auteur arrache les tranches pour savoir ce qu'elles valent. Contre la diarrhée des bonnes intentions des dogmes opposés il crée une synthèse de ce qu'Artaud nomma le génital inné fruit de la sensualité comme de la métaphysique.
Il s'agit de ne pas vivre dans le vide de la matière du corps séparé de l'esprit, mais de les joindre à travers les plans de diverses croyances. Chants et supplications et en un immense brassage des civilisations en donnent plus que les indices.

Dans la doxa inédite des grands chambardements des temps s'inscrit une complétude là où la douleur reste la certitude d'un état non statique. Se plaçant en un certain recul le poète rappelle que l'état mental n'est pas le fruit du seul absolu mais du détritique que tout être porte en lui.
Cela alimente l'histoire du monde comme de ses légendes. Elles forment un corps immense, sa fureur du haut et du bas. Il y à là des états de cimes et de gravats. Faire le tri est nécessaire pour éviter des mépris et des disputatio pour un renouveau du monde.

Il fait corps à la chair visqueuse qui maintient un croire. Peu à peu sa saleté peut espérer un absolu pour peu qu'on ne soit pas suffisamment naïfs et crédules pour croire à une seule vérité de doctrines. Chacun doit en briser les résistances pour retrouver dans la multiplicité le liquescent d'infinis. Tous sont provisoires et appellent à rêver sans fin au nom de celle par qui tout passe et commence.

Jean-Paul Gavard-Perret

 

Théo Crassas, Le Saint Eboueur, Encres Vives, coll. "Encres Blanches", 2018, 6,10 €

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