Philippe Denis : déplacements

Se détacher du désenchantement devient une des nouvelles voies (de garage ?) de la poésie. A force d'être revenu de tout le poète s'éprend de toute colère pour la théoriser en complot. La rupture que propose la vraie poésie se passe de telles (im)postures.
Son défi est d'une autre nature.

Philippe Denis le prouve :  "Ne pas savoir quoi rend la chose / perceptible, / porte notre regard / au-delà des murs / derrière lesquels elle campe". La chose (poétique) demande une intelligence, une astuce et un humour qui vont mal avec les mots d'ordre. Feignant de se rendre, Denis casse la tyrannie du logos en cherchant le most juste qui n'est pas juste un mot.

Il convient en effet de choisir ce qui brouillé les pistes du bon sens ou de ce qui est donné pour tel par tous les complotistes à la langue de bois. Mais faire  basculer le langage vers ce qui lui écxhappe crée l'hostilité des imbéciles qui ne peuvent supporter ce qui ne leur ait pas donné en une simple "image". Ils veulent croire, croire voir, croire comprendre.

La poésie de Denis n'est pas pour eux. En ses détournements et sous effet de désinvolture elle  dévoile la face cachée de l"indésirable comme du désirable. Il n'existe donc pas de désiderata. Et c'est bien là le problème. Dynamiser les effets de réel ne rend pas le poète innocent mais coupable.
Philippe Denis court ce risque et rend sa pratique incontournable. Elle pénètre les systèmes de pensées spseudo révolutionnaires ou providentielles. Sans recherche d'effets pétards (bien au contraire)  et de manière "primitive" il casse les prétentions à la bienséance de ceux qui n'attendent que des réponses en se souciant peu des questions.

De telles« pierres d’attente » proposent l'inverse : elles déblaient le terrain face aux injonctions de prétendus responsables mais le sont si peu à travers leur langage dévitalisé et répétitif. Philippe Denis se refuse à de tels farces et ose s'affonter à la fureur comme au silence là où l'ironie fait place aux raisonnements et aux ornements.

Jean-Paul Gavard-Perret

Philippe Denis, Pierres d’Attente, La Ligne d’ombre, novembre 2018, 58 p., 10€

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