Philippe Thireau : insondable effet mère

Les chauds jupons où il ferait bon ne sont pas forcément ceux qui conviennent : ils n'appartiennent pas à qui de droit. Dessous il y a non la fille mais le fils. De gré ou de force il a pris sa place. Du moins si l'on en croit la mère - comme le pense le fils - qui pourtant, face à un père fugueur, aurait pu faire l'affaire. Pour sa part, il s'est pris les "pieds" dedans.

Encore faudrait-il interpréter les reproches de la mère à l'enfant, qui a la place du mont de Vénus, possède ce qui pour la génitrice tient d'un appendice misérable.

Face à cet état de fait le poète se soumet à un acte de contrition, de repentance en une neuvaine - ou presque. Mais c'est aussi un chant d'amour fou au nom d'une honte qu'il fait sienne même si elle ne devrait en rien lui appartenir.
Les 103 poèmes sont regroupés en 8 chapitres qui recouvrent sept jours et une nuit. Ils deviennent son chemin des Oliviers où nulle présence ne peut effacer la chimère première. Le poète ne peut s'en extirper puisque c'est par elle que tout passe - ou plutôt ne passe pas.

Au nom de l'origine qui ne fut pas la bonne, le poète se débat dans l'identité assignée même s'il ne peut apparternir au cercle de celles qu'il chérit : "les femmes aux corsages fiers / peignent le pays en rose".
Partant d'où il sort, il y retourne ou plutôt se fait mère de celle qui n'est pas l'éphèmère mais celle qui assure au fils un statut remis en cause et une perte de re-pères. Le poète "enceint" d'une telle charge ne peut sortir de ce cul de sac. Il en dresse un constat sublime et douloureux dans l'histoire d'amour impossible et qui ne finit plus.
 

Jean-Paul Gavard-Perret

Philippe Thireau, Je te massacrerai mon cœur, PhB Editions, mai 2019, 50 p.-, 10 euros

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