Maria Desmée a toujours voulu rester avec ses rêves même si la vie l'a obligée de prendre des chemins dont elle ne voulait pas. Son livre le prouve. Il rappelle aussi combien est impossible de renoncer au renoncement qu'impose l'absence.
C'est ce qui rattache paradoxalement la poétesse à l'existence et au goût de la vie. Il arrive  que s'atteigne  un lieu non choisi et presque impensable. C'est donc un héritage douloureux mais il faut savoir le quitter et rebondir  dans le désir de s’accomplir, de devenir, d'écrire pour avancer par petits pas et mots épars -  parfois avec de longues attentes.

Dans de tels fragments perdure une colonne vertébrale : la verticalité de celle qui au besoin "cache ses larmes dans la nuit" après avoir goûté ou plutôt subi l'amertume du départ et de l'abandon.

Celle que la poésie accompagne depuis son enfance lui reste fidèle. Elle lui permet sinon une "purgatio" du moins de faire jaillir le plus profond qui fait surface. Et plutôt que d'écrire à sa main son Cent ans de solitude, elle dit ce qui est arrivé et ce que le traumatisme pour autant fait rebondir du côté de l'existence.
L'absence aura été le lieu où elle a dû vivre entre son désir et du vide devant. Demeure toujours l'expérience de la douleur liée à l'histoire de l'amour raté ou perdu. Mais émerge encore la volonté du saisissement de la sensation même si à l'endroit où l'artiste la partageait il n'y a plus personne.

De l'amour, de ce qui en perdure et reste apparaît une formulation en fragments. Néanmoins "quelque chose suit son cours" (Beckett) là où l'espace devient de plus en plus le temps. L'écriture s'arrime de moins en moins à  la douleur de la sensation de l'absence. Au squelette textuel font place des lézardes qui traversent son éboulement. Reste à éprouver sans comprendre. Mais éprouver encore.

Jean-Paul Gavard-Perret

Maria Desmée, De quelle nuit , coll. La main aux poètes, éditions Henry, Montreuil sur mer, juin 2019, 94 p.-, 8 euros