Lydie Planas : une place vide

À l'inverse d'Artaud qui - comme l'écrit l'auteure elle-même – parle d'un corps atomisé, empli d'une puissance à broyer le langage, à déverser la souffrance de ses organes concassés, piétinés, macérés, empilés en cette colonne brisée du dire qui éructe la souffrance, Lydie Planas évide son corps, ne supporte pas le poids de sa chair : Je rêve de découper des pans de peau, de creuser jusqu'à la profondeur de ses entrailles, ajoute-t-elle.

La force de sa langue est comparable à celle de l'auteur des Cenci.  Chez elle aussi les mots rongent les profondeurs d'un  corps-gisant. Lydie Planas tente de rassembler une suite de membres en ce creux de l'être. Elle garde en elle une souffrance existentielle eu égard à ce qu'elle a enduré  : L'asile n'a pu me tuer, la cellule d'isolement, les humiliations, là où le corps n'est plus, là où tout se réduit à une bouche ouverte de force, là où le seul regard est une caméra, là où le cri est étouffé, précise le créatrice qui espère le bleu du ciel au milieu de mots sangles et liens.

À la césure du souffle, en l'affrontement du dire émane la rocaille du basculement dans les pénombres du passé. Quelqu'un manque. Mais qui ?
De l'amour ne reste que les traces.
Pas même le verbe aimer quand me tourne l’aile d’elle sans retour d’elle, s’ourle l’elle sans aile à lui, rouet qui m’entourne, m’enroule, me roule, là où le temps se démembre à l’ombre du corps en ressac.

 

Jean-Paul Gavard-Perret

 

Lydie Planas, Je anatomique suivi de Dites, Voix éditions, février 2020, 110 p- 15 €

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