Les jeux et glissements de Nolwen Euzen

Nolwenn Euzen nous entraîne à sa suite dans une langue à la fausse lenteur qui d’un rien nous fait lui. Si bien que peu à peu nul ne sait si je est un autre. Mais apparemment il noue le nous face aux ils vite distanciés en eux.
Dès lors une étape est franchie. Grâce à ce je qui dit viens et salue un peu tout le monde sur son passage l’auteure emporte dans un tango argent teint, histoire de maquiller le temps qui passe trop vite.

Quoique jeune, Nolwenn Eujen en est déjà une auteure mature Elle sait qu’en conséquence nul amour ne résiste au temps mais que nul résiste à l'amour. La créatrice embrasse le monde en des fragments qu’elle tente de fixer avec quatre épingles. Histoire de gagner du temps même si - en fin de texte - il en restera encore des pans à ne pas économiser. Mais, avant, l’auteure aura pris soin de les épeler se faisant dispendieuse et usant sa petite réserve de paresse.

La poétesse bouge dedans comme elle gigote dans les mots, même les gros lorsqu’elle les sort par le bas pour évoquer zobs, zigounettes, fentes et trous. Mais là n’est pas l’essentiel. Lorsque l'abbesse se penche c’est encore pour penser et que le babil de la laborieuse ailée fasse masse.

Le réalité se crée en un conglomérat de pièces détachées. L’auteure pour cela ose redevenir gamine comme jouer les vieilles femmes. Histoire une fois de plus que le temps empiète et s’imprègne du sourd dessein de celle qui se perd en route pour mieux se retrouver. Si bien que ça suinte de partout. Sans urgence et au besoin en lambinant en route (être trop pressé ne dit rien qui vaille) avant que tout se remette en branle dans les courtes séquences séparées par des blancs.

Bref, Nolwenn Euzen s’accroche aux branches, avance de liane et liane par sauts et au besoin gambades entre les arbres du temps. Le tout dans une musique étrange qui scande - tango oblige -  un pas en arrière et deux en avant. Et parfois le contraire. Histoire d’attendre assise sur une chaise avant que la belle auteure se trouve invitée pour une nouvelle danse et qu’une fois de plus son je devienne un nous. Un bandonéon veille sur elle.

 

Jean-Paul Gavard-Perret

 

Nolwenn Euzen, Babel Tango, Tarmac éditions, Nancy, 48 p., 10 euros

Sur le même thème

Aucun commentaire pour ce contenu.