Laure Samama : les écarts de conduite

Par chapitres brefs – parfois juste quelques mots – jaillissent les amours, leurs troubles, leurs déceptions et toujours un façon de tenit face aux bons comme aux mauvais coucheurs. Entre textes et photographies le désir féminin se dit en mots crus, simples, justes et sans emphase : J’avais déboutonné très vite les boutons de sa chemise. Souvent je portais des robes pour que ses mains ne rencontrent aucun obstacle. Je déplorais que les hommes n’en portent pas. Mais à l'amour et ses fantasmes suivent des désillusions dues aux petits arrangements avec le réel de l'amant plus ou moins de passage.

En effet la relation est adultérine. L'homme est beau, expert mais une épouse l’attend. Au sein de la luxure et de la volupté il y a donc des déchirures, des explications mâlignes plus ou moins douteuses dont la narratrice n'est pas dupe : Dès le premier jour j’ai photographié les vestiges de notre histoire. J’avais l’intuition qu’elle ne serait que cendres, lumières arrêtées, vêtements échoués. Nos étreintes s’arrêteraient bientôt. Ce qui n'empêche pas les émois les plus forts sous les doigts de l'amant et plus rarement son sexe. Mais le plaisir reste de la fête.

Le livre est fort, puissant et qu'importe si l'amour ne peut pas tout donner à celui qui n'en veut qu'une partie. Mais l'objectif est d'abord clair et précis : Il fallait tenter, au moins une fois, par le don total de soi, de conjurer la malédiction du premier homme, un salaud, un violeur. D'où d'autres baisers et de plus douces étreintes avec un soutien-gorge sur le parquet flottant. Mais plus tard apparaîtra un squelette pendu lors d’une fête populaire : une rupture.

L'auteure sait jouer de toutes les sensations qu'elle a éprouvées et éprouvera encore. Même si les histoires d'amour finissent mal en général : Le dernier jour il me dira avoir vécu une réalité plus belle encore que tous ses rêves, fantasmes, fabulations. Il ajoutera J’ai été heureux pendant six semaines. Très heureux. Mais il part. Et les images font dans ce livre ce que les mots ne disent pas.

Le désarroi est plus en eux que dans les photographies. Celles-ci portent sur la nature et redonnent sens et profondeur à l'existence lorsque l'amour n'est plus ou n'est pas ce que la créatrice voudrait qu'il soit. Les soirées fussent-elles fun ne suffisent pas. Pour elle, il reste impossible de cerner, d’établir un chemin clair et confiant. Cela semble inhérent à la relation avec les hommes : ça nous force de verser dans leur nuit, nous réveillerons-nous ? semble dire l'héroïne aux femmes (et aux hommes).

Quelque chose est toujours perdu : une langue. Comme si ses signes s'effaçaient – d'où la présence des photographies. Un effondrement signe les blessures. Reste à dire oui à cette l'absence et reprendre, se relever, se remettre à aimer dans une lumière charnelle mais noire en attendant que peut-être un homme arbre croisse pour de bon en se débarrassant de ses branchages enchevêtrés.
 

Jean-Paul Gavard-Perret
 

Laure Samama, Ce qu’on appelle aimer, Arnaud Bizalion éditeur, mars 2017, 110p.-, 17 €

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