Thomas Kling entre tradition et futurisme

Thomas Kling (1957-2005) passe son enfance à Düsseldorf . Héritier de la poésie expérimentale viennoise, contemporain de Joseph Beuys, Blinky Palermo, Sigmar Polke, témoin des concerts punk du Ratinger Hof, il est un des grands artisans du renouveau de la poésie allemande à l'heure de la Réunification.

Son approche radicale de l'oralité poétique comme ses recherches formelles font de lui un auteur très vite reconnu dans son pays. Il définit ses poèmes comme des installations linguistiques fondées sur l'intimité et le présent comme dans les littératures du passé.
Il remet au jour des pans entiers de la poésie : de la latine jusqu'à l’avant-garde viennoise en passant par la poésie baroque.

Avec sa compagne Ute Langanky il s'installe dans l'ancienne base militaire de l'OTAN à Hombroich pour en faire un centre artistique transformé plus tard en la Thomas Kling Archiv où il compose ses derniers grands recueils.
Son expression - comme le prouve ce livre qui en en ouverture pose la question de l'origine -  est souvent violente et traduit le chaos et la lourdeur du monde : ton soc, paysan, grince sur les douilles, les cernes, les éclats de grenades. ça grince dans ton sommeil, sommeil de rat inapaisé. rouge vif il fleurit le pavot du talus dans ton cœur, dans ta cuirasse, où nulle sœur ou mère ne t'écoute ne t'entend.
 

Crayons combustibles puise pour s'agencer dans une convergence de sources et d’archives où Kling réconcilie émotion personnelle et mémoire collective. Se rencontrent ici des ombres connues (Trakl, Priessnitz, Pastiorn Warhol, etc) mais tout autant des inconnus dans notre temps.
Bref. l'auteur donne une voix aux oubliés de l’histoire, reconstitue le chant d’hommes et des espaces dévastés d'hier et presque de demain. Allemands, Serbes, Français, Russes s’enfoncent une même terre boueuse, finissent en des tranchées ou charniers que le texte fouille au moment où le poète devient secouriste inébranlable dans le fracas du métal.
Mais grâce à de tels protocoles mémoriels, Kling dépoussière notre passé, perturbe le langage pour nous mener de la nuit à la lumière. Même si elle reste douteuse.
 

Jean-Paul Gavard-Perret

Thomas Kling, Crayons combustibles", traduit de l'allemand par Aurélien Galateau, postface de Laurent Cassagnau, éditions Unes, juin 2020, 176 p., 24 €

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