La folle des logis – Tristan Félix

Afin de prendre des leçons de poésie rien ne vaut celle qui met le feu aux planches, illumine les boules à facette des guinguettes rotondes et huile le piston des trombones à coulisse. Du moins lorsqu'ils couinent au lieu des cous lisser pour que danseurs et danseuses y déposent leurs baisers.

Notre Chrétienne de Troyes quoique Titi des remparts où rôdent les gros minets et abbesse athée (au lait) de Saint Denis est une humoriste particulière. Elle cache sous sa pudeur tout ce qui marche à reculons en créant des textes d'exception. Leurs mémélodies sont d'une jeunesse folle.

Ses chansons de geste – ici pratiques et théoriques – en feignant d'aller nulle part vont partout. Surtout là où notre propre fin nous empêcherait de trouver le début de notre existence. C'est du Queneau ou de Vian mais en mieux. Et ce là où le futur nous lasse mais où le passé nous dépasse. Cela vaut bien une danse. Une milanga en l'occurrence.

Dès qu'on a mal au temps rien ne vaut mieux qu'un bon parquet laqué à la cire de notre abeille. Grimée en cigale elle nous apprend à entrer par la sortie des mots. Bref son "B-A, BA" devient un "Z-Y, ZY" et il est aussi swingant que chez les ZZ Tops.
Si bien que le passé empierré n'est jamais empiété sauf par les lecteurs danseurs en manque de pitié ou de piété démoniaque. En sombres héros ils se prennent les pieds dans les mantilles des belles de cas d'X et de Buenos-Aires. Tous blessent, mais seule la musique de la choryphée des bois et des talus tue tout ce qui empêche la folie d'être plus que d'avoir tété.

 

Jean-Paul Gavard-Perret

 

Tristan Félix, Tangor, préface de Dominique reschez, PhB éditions, mai 2020, 76 p.-, 10 €

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Tangor est un recueil de poèmes en vers comme en prose, et de dessins sur le tango, sans parties théoriques, qui  enracine cette danse, notamment la "milonga" dans l'Afrique et en révèle le tragique et la joie. Il y est question d'amour, de prédation, de racisme, de machisme, de corps maltraité, de bal, de sensualité, de sexe, de nostalgie du pays perdu.

Le portrait qui est fait de l'auteur est beau.