Bruno Fern le dérailleur

Question poésie et vélo Bruno Fern en connaît un rayon. La tête dans le guidon il se soustrait à tout circuit ou linéarité. Pour preuve son dans les roues qui sème le trouble au sein de l'habituel trafic du texte.

Ici tout devient réversible à travers les fragments qui ne finissent pas forcément. Sucer la roue de celui qui est devant ne sert à rien. Bref comme l'auteur le lecteur voyage en solitaire et sans boussole là où il n'existe pas de "bonne" route à suivre.

Un tel périple ne tient qu'à un fil et comme on s'en doute l'ensemble ne manque pas de selle. Perché sur le bolide à vitesse réduite qu'importe si les hémorroïdes s'irritent : le poète en danseuse n'est là que pour dépasser l'entendement et la logique.

Sur le périf comme dans les cols alpins, dès qu'un fragment crève un autre à l'affut incite à l'afflux. Le cyclo n'est pas un touriste. Il force les barrages que la logique du discours est sensée élever devant lui.

Tout est sans arrêt à reconstituer parmi les déviations et les épingles à plantureuses nourrices. Au lecteur de changer de braquet par rapport à son habituelle façon de lire. Fern joue sans cesse du dérailleur et à la moindre pause-pipi de l'attention il est difficile de se rattacher à la conjoncture du bitume de son écriture : que la route s'élargisse ou se rétrécisse n'importe peu.

Le lecteur pédale dans la semoule ou la choucroute suivant la région mais le coureur cyclique Fern en demeure ravi. Roi de l'acrobatie, chaque fois que – tel un pisteur – il semble faire du sur-place, il prend la poudre d'escampette sur la route fleurie.

Au lecteur de gérer son effort et de reprendre son souffle car, en une telle succession d'étapes, la chute reste possible. Mais suivre Fern reste un réel défi et délice. Certes une telle lecture n'assure pas un confort exclusif mais perdurent des nids de poules où nichent des coureuses aux lignes incontournables. Toutefois les embrasser se mérite. Difficile de les rattraper : elles sont toujours de belles échappées.