Surréalisme n'est pas mort, pas enterré !

Surréalisme ? Qu'est-ce à dire ?
Quelque chose de peut-être bien contemporain à l'apparition de l'homme sur la Terre, existant donc depuis toujours ou presque – car n'est-ce pas déjà tout de même surréaliste comme geste que celui de peupler de chevaux et d'aurochs les parois de grottes obscures ?
Hopper disait, lui, dans le même sens, qu'il n'y avait rien de plus surréaliste qu'un nez entre deux yeux ; à quoi Serge Fiorio avait renchéri, encore plus nature avec un nuage en plein ciel !

À chacun son surréalisme ? Peut-être bien. Le surréalisme est de tous les temps, bel et bien ; aussi continue-t-il d'irradier car il n'est – n'est-il pas ? – rien de moins, semble-t-il, que l'un des composants majeurs de la psyché humaine.
Chaque nuit nos rêves en témoignent. Tout un temps – mais cependant infime avec déjà un siècle de recul –, il devint une catégorie délimitée et comme assermentée par certains critères artistiques et politiques, une marque de fabrique, moitié chasse gardée, dans le domaine de l'art engagé, une AOC en quelque sorte !
Avec sa part d'utopie généreuse ainsi que ses batailles et duels d'egos, coups bas et mesquineries à la clé !

Ainsi, pour avoir écrit d'enthousiasme son admirable Jeanne d'Arc qui vint au monde à cheval, sous un chou qui était un chêne, Delteil fut très lamentablement excommunié du mouvement, remercié par lettre d'injure sous le règne du pape André Breton 1er-et-dernier. Il faut dire qu'un autre irrévérencieux clergeon avait, celui-là, été soupçonné d'avoir enfreint les règles pourtant codifiées des séances de sommeil hypnotique ! Deux ? C'en était trop : fallait sévir !

C'est dans La Deltheillerie qu'on peut lire : Oui je les ai vus ce soir-là, André Breton et Francis Picabia, face à face comme deux dix-cors en temps de rut, quel spectacle ! L'un et l'autre sachant qu'il s'agit du grand duel, le duel à mort devant les disciples et la postérité. L'un vêtu de chatoyants velours et de gais foulards de couleur, l'autre de sombre drap et de sévères reliefs ; l'un tout feu tout flamme, brillant, pétillant, tout illuminé de jeux de mains et de moulinets de canne (une petite canne d'écaille peinte au bleu de Prusse), l'autre immobile, massif, monolithique, debout avec cet air de coin, un peu chattemite, le torse posé de biais sur l'échiquier, le mégot aux lèvres ; l'un plein de malice, de panache et de furia francese, avec ses parades, ses manœuvres, ses crocs-en-jambe, l'autre en garde, sûr de sa force, avare de ses griffes mais tout en lui œil, pensée, posture ne sont que crocs et griffes ; l'un s'énervant à la fin, toujours causant, causant, toujours bondissant, bondissant, lâchant ses traits par giclées, ses coups de langue, ses coups de corne en pagaille, un peu à la diable après tout, avec soudain un long rire de gorge comme une étoile filante, se sentant vaguement pris au piège mais lequel ? le Breton de plus en plus immobile, le masque de plus en plus impassible, la cigarette à bout de doigts à la couture du pantalon, avec à peine de temps en temps une volute de fumée à l'œil comme à Delphes, toujours le pouce prêt comme aux gladiateurs l'empereur romain, laissant par intervalles tomber un simple mot mais mordant à souhait, venimeux à point, toujours mortel, laissant patiemment son adversaire s'essouffler, s'épuiser, se tarir... wait and see.

Puis, au décès de Breton, le mouvement finit, non pas par se déliter ou se liquéfier mais, au contraire, par se figer dans les esprits des spécialistes et des universitaires qui, dogmatiques, le résumèrent consensuellement, tous en chœur, à quelques dizaines de noms cités, depuis, et répétés en boucle dans les sempiternelles très parisiennes revues et Histoires de l'art officielles. L'arbre qui cache la forêt, quoi ! Car, dans le domaine de la littérature et des arts en général, le surréalisme forme pourtant à jamais, par nature, une vivante constellation de talents en perpétuel devenir.
Ce que prouve, nombreux auteurs actuels à l'appui, le fort riche et même foisonnant numéro 34 de la revue Vocatif  intitulé Aspects du surréalisme international aujourd'hui où il est précisé, en quatrième de couverture : En France, un tel ouvrage manquait. Il sera apprécié des surréalistes eux-mêmes, des amateurs, des enseignants et étudiants soucieux de s'informer.
 

André Lombard
 
Vocatif numéro 34, collectif, sous la houlette de Patrick Lepetit, novembre 2020, 80p, 12 euros, ISSN 07627793..
Commande au 14, rue du Colonel Driant, Le Jalna A2, 06100 Nice ou monique.marta0294@orange.fr

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