Pierre Mabille : Ziegfeld follies

Étant donné les couleurs données à tout le monde, Pierre Mabille ne s'en prive pas. Poète, peintre et professeur de couleur à l’École Nationale Supérieure des Arts Décoratifs, son œuvre recombine un motif récurrent jusqu'à ,parvenir aujourd'hui à un antidictionnaire faite d’analogies en une  forme toujours jamais pareille qui ne cesse de bouger en une suite de variations et de laïus.

Qu'on ne s'attende pas à une théorie des couleurs à la Kandinsky. Amoureux d'un certain bleu du ciel cher à Bataille, l'auteur accorde à la poésie tout autant qu'à la peinture la vocation de théoriser les couleurs mais de manière foisonnante, mouvante, pleine de bleus. Et pas seulement à l'âme.

Mabille en pousse le tropisme obsessionnel avec la lenteur vivante de ses glissements et toujours avec son art du décalage, de la variation. La couleur "poétique" permet de plonger au plus profond et le bleu en devient son puissant allié capable de réunir paroxysme et sérénité.
C'est comme si l'auteur regardait le ciel. Depuis toujours. Non pour se saisir de la galaxie bleue mais des poussières d'étoiles orangées.

Les courts textes saisissent le monde parfois avec une ironie mélancolique. Celle qui par la couleur caresse l'éternité. Il y a là des sensations, des affects dont les poèmes apaisent la douleur au besoin.
Chaque couleur possède ici bien des variations. Comme chez Rimbaud le ciel d'azur devient parfois bleu noir - ce que d'ailleurs Kandinsky déjà cité a senti.

Reste ici une narration d’équilibre faite de mosaïques. C'est parfois stylistiquement un peu surfait et prétentieux. Mais au delà de l'apparat, la poésie fait ici souvent preuve de souplesse déferlante.
 

Jean-Paul Gavard-Perret
 

Pierre Mabille, Antidictionnaire des couleurs, éditions Unes, Nice, novembre 2020

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