Amina Saïd sait que le vide donne le sens au plein comme le blanc au noir. La tunisienne est une des poétesses francophones majeures. Elle a publié de nombreux livres de poésie et de contes. Son œuvre est traduite en plusieurs langues.

Pour elle, écrire, c'est fixer la page blanche / le souffle comme une parole / en suspens" tandis que le silence se "met à notre écoute / et notre parole entre dans l'obscur pour se confronter à l'énigme que tout poète tente d'élucider.

Le travail se nourrit d’intime et de mémoire. L’immuable et l’éphémère se côtoient vers l'approche d'un secret sur lequel Amina Saïd vient botter. S’éprouve le paradoxe　de l’évidence. Les choses les plus simples donnent l’impression d’un infiniment lointain.
Se découvre par ce biais le vide en soi, la carcasse et son défaut dans la cuirasse. Passage et permanence, silence et chant, présence et absence. On se demande parfois comment par de telles approches en effacements peut jaillir un espoir. Et il n'est pas sûr que l'auteur le caresse.

Elle a compris qu’on ne brisera jamais certains de nos liens. Mais ceux dont nous ne pouvons nous défaire elle en indique jusqu'à la brisure. Surgissent dans ses approches une tempête de sable qui amène avec elle l'ineffable, l'ineffaçable, l'entraperçu.

L'œuvre dans son effacement rompt néanmoins le silence et pas seulement celui de l'origine. Il s’agit d’atteindre jusqu'à la possibilité de l'impossibilité et la créatrice nous porte au seuil d'un tel désert.
Restent d'indivisibles égarements, de rares sillons, des écharpes de mots de soir promesse de noirceur. La poésie mange le réel pour qu’il soit affirmé.

Il s’agit d’une disponibilité non sommaire au sein même d’une nécessaire perte de repères. Et finalement Amina Saïd élargit le mystère plus encore qu'elle en espére une connaissance positive. Là où le temps sépare, l’espace unit le noir au blanc.

Jean-Paul Gavard-Perret

Amina Saïd, Dernier visage avant le noir, Rhubarbe éditions, novembre 2020,, 82 p.-, 12 euros