Hervé Bauer : l'essentiel

Hervé Bauer inscrit une étrange poésie du réel selon une forme de narration dans un temps où la rapidité de lecture impose la forme la plus ramassée qui soit. Existe donc un drôle de constat : va-t-on enfin se taire à en rester même aphone ?

Plus question dès lors de jouer à l’inspiré et user du lyrisme. Le poète ne peut que déchanter. Son souffle ne laisse qu’une buée inaudible en fond d’air.  Il peut ressembler à une "moisissure" pour les disparus. Trachée tranchée se relie à la tranchée fraîchement ouverte et très vite refermée

Plus que jamais, en lieu et place des fastes de l’emphase, Bauer possède la voix rêche et abrupte du tarissement. Il s'agit pour lui de rester à court, encourir la panne, se mettre en posture d’échec. Et au risque d’atteindre ainsi à l’inouï que serait un discours fautif, dessouché, disloquant qui touche ce parlé à l’état pur qu’est le Poème selon Heidegger là où la mort prend de multiples facettes.

Car il faut non seulement faillir mais aussi fauter de la langue pour qu’un dire reste ainsi éminemment "mal dit" – donc mieux – là  où tout forcément échoue à se dire. L’éloquence n’étant plus de mise, seul reste un dispositif syllabique, fatal, et dont l’emploi contraint le moindre vers à chuter et déchanter sur sa lancée, voire à se figer en plein vol.

Exit l'homérique. Pour autant le poète n'est pas un travailleur au repos. Sa force existe proche du silence en un tel exercice d'intranquillité là où tout lieu commun se retourne sans que tout ne soit permis dans ce qui ne serait qu'une liberté postiche. 


Jean-Paul Gavard-Perret


Hervé Bauer, La mort en faces, Julien Nègre Editeur, juin 2021

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