Etel Adnan : Le rêve n'a jamais de murs

Etel Adnan rassemble, fragmente, remonte les pans "tapissiers" d'une vie. Elle prouve par pans combien l’histoire de l'œuvre est celle d'une accession à soi contre tous et pour une survie là où le sensible est comme la source première de l’intuition et de la connaissance.

La solitaire s’y parle à elle-même, revient sur sa vie par sauts et gambades. Et cela veut mieux que toutes les biographies (par essence approximatives) qu’on pourrait écrire sur l’artiste Elle se décrit telle qu'elle s'éprouve : Mes ombres s’allongent / sur mon corps quand il dort, / et le ciel cesse d’être bleu, et / la lumière attend.

L'artiste et écrivaine prouve que c'est moins la raison que le libre arbitre qui est la base d'un Tractatus s’attachant à dire. Et ce, même si le langage n’est peut-être qu’un jeu qui se joue avec les mots.
Mais à partir de là Etel Adnan a cherché la clarification du langage isomorphe au monde et son propre univers.

 

Dès lors aux pensums logomachiques font place des phrases simples, de courtes propositions pour agencer des "arguments" par  des éléments de pensée tactiles qui facilitent leur manipulation et leur contradiction tout en assurant une construction solide et en réduisant les risques de ruptures sémantiques. Je ne suis pas un fantôme longeant / le fleuve étranger, ni léopard ou / chouette. je suis un courant d’air  et d'ajouter : Si on écrit, c’est qu’on ne peut pas / chanter, si on dort, c’est qu’on ne / peut pas vivre.

Partant de l’idée que notre monde est tout ce qui a lieu, la créatrice  prouve que l’état des choses est une connexion d’objets ou d’entités. La forme est la possibilité de la structure mais elle n’épuise pas pour autant le réel. la plupart du temps,/ la mémoire ne sert à rien :/  les hôtels où j’ai attendu / ont disparu. 
D’où l’importance de l’art  et de la poésie. 

Ils sont la riposte a-logique aux limites de la raison. En s’opposant à la fois à un sommaire "voir-comme" et à une vision simple de la réalité. ils introduisent la notion d’"outrepassement" par leurs propres connexions sui generis. Si bien qu'en partant d'un monde où nous n’avons pas de grandes actrices / dans nos petites épiceries / et nos hommes exportés /  par la faim se pressent / dans l’acier de l’hiver, Etel Adnan rappelle sa quête du soleil. Elle la fit plus immense loin des dômes laiteux des mythologies paresseuses.


Jean-Paul Gavard-Perret

Etel Adnan, Je suis un Volcan, Lelong & Co, décembre 2021​​​​​​,​ 84 p.-
Etel Adnan, Au fil du temps, Lelong & Co, décembre 2021​​​​​, 120 p. 

Découverte de l'immédiat, (exposition Lelong & co) du 13 janvier au 12 mars 2022 (Paris et New York)

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