Le passé impressionniste d'Hervé Martin

La poésie d'Hervé Martin qui se découpe ici en 3 séries de vignettes se coltine avec les temps sur un champ de mémoire à plusieurs facettes et dans le flux de divers types de remémoration pour redonner vie à l'amorphe et l'informe.
C'est intelligent et sensible. Et l'auteur surprend par sa manière, et dans le dépouillement des mots sous la trémulation des vers, une narration impressionniste pour dire ce qui s'éprouve et disparaît mais qu'il retient.
Se souvenir des disparus (êtres et lieux) me protège à jamais / de la froideur du temps, écrit le poète. Mais ce qui est éparpillé rassemble et le lecteur navigue entre figures et espaces qui persistent au-delà de la mort des uns et le délabrement des autres.
Le plus fort ici reste le caractère d'une mélancolie particulière. Elle s'agite, remue contre l'aridité du quotidien. Le passé pourtant irréversible s'anime d'une mémoire vive dans le tressaillement des années. J'entends les paroles qui reviennent, ou du moins leurs échos dans la clarté de l'ombre.
Tout s'ébroue encore ou gueule aux oreilles, et porte à ce qui réchauffe le coeur de l'auteur comme ceux des lectures et lectrices. Sa mémoire est beaucoup moins imparfaite qu'il ne le dit. Parler des morts revient à parler avec lui-même et avec les vivants. Il y a du Carlyle en une telle oeuvre. Rare est cette manière de lutter malgré tout contre tout ce que l'existence possède d'austère.

Jean-Paul Gavard-Perret

Hervé Martin, Sous l'odeur des troènes, Unicité, 2022, 168 p.-, 16€

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