Léa Nagy : tous les chaos ne sont pas gris

Tous les chaos ne sont pas gris. Voilà pourquoi les poèmes de Léa Nagy peuvent paraître déroutants d'autant qu'elle y mélange son intimité et le général, le réel et l'imaginaire.
Ce mixage est ici profond et complexe dans les métamorphoses opérées par la jeune auteure. Elles sont parfois le lieu de la plus cruelle solitude et de la plus fantastique communion.
Léa Nagy se plait à brouiller les repères : C'est l'hiver, j'enfile des gants, j'ai froid / Des disques de glace bougent sur la mer, écrit-elle par exemple pour faire de la lectrice ou du lecteur un égaré dans une rythmique subtile.
Les vues de l'esprit offrent non sans brio des merveilles là où règne une clarté ambiguë sur des évidences fragiles. Certes l'ombre ne sera jamais franchie mais elle est habitée. Et quand l’isolement terrasse la créatrice elle en accepte la surprise sans cesse reprise, répétée.
C'est à la fois combler le temps et imaginer l'infini. Ce qui fait de la poésie la cause la plus juste. Son engagement à maîtriser le langage est au service d’objectifs de vie plus larges qu'un simple "show". Et c’est sans doute aux mots non de donner la clé de l’énigme mais de provoquer ce que la vie rate, altère ou tout simplement ne peut offrir.
Voilà comment se forge ce beau texte qui de fait ne peut raconter l’histoire de son auteur tant elle est grevée d'autres histoires qui imposent la sensation d’un chaos. Il ne finit pas de vibrer tant la réalité de sa trace reste prégnante et convoque la pensée comme l’impensable.

Jean-Paul Gavard-Perret

Lea Nagy, Le chaos en spectacle, trad. du hongrois par Yann Caspar, Éditions du Cygne, septembre 2022, 68 p.-, 10€

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