Les miroirs soufflés de Catherine Andrieu

Les miroirs de Catherine Andrieu traverse s’emplissent de corps soufflés En magicienne elle tisse des sorcelleries discrètes, raccommode les clairs de  terre à coup des hommes de ses songes parfois tueurs ou presque  pantins somnambuliques. Ils  bercent et  inquiètent. Le ciel, ivre du germe de ces œufs de démence, demeure vierge et blanc.
La créatrice semble dire à l’homme : Lève-toi, jette la dépouille du monde et fait moi danser. Mais si  elle mêle Éros à Thanatos et fait fondre le second dans  la vitre du réel comme de l'imaginaire où surgissent des apparitions qui contiennent tous les âges.
Les deux livres expriment une sensation de l'ineffable. Cet ineffable qui étymologiquement ne se parle pas, ne peut être verbalisé mais se découvre dans une telle recherche. Celle-ci pose la question du corps. Corps désirant, corps inachevé ou non et encore en suspens en en équilibre instable.
Catherine Andrieu  tente de le pacifier par l’étrange dialogue qu’elle entretient avec lui. Il y a là une promesse d'un autre horizon, d'une autre aventure fois poétique et existentielle. Surgit une pensée-corps. Elle donne forme à une insoluble étrangeté. Le but est de la délivrer au moins en saillie, en lambeaux ou en bribes dans des roulis d’une autre vie ouverte par l’émotion.
La solitude marque l’œuvre. Les personnages restent le plus souvent isolés dans la fente du temps. Leur surface sont des lèvres tues. Hors paysage. Ils existent entre les deux, inventés par quelques lignes où ils marchent sans bouger. Au fond de ce désert, dans le silence, ils ne possèdent plus de masque. Le poème  crée un miroir inversé et creuse le réel.

Catherine Andrieu possède l'aptitude à transcender la poésie là où l'érotisme et la spiritualité se rejoignent. Elle retourne aussi les pages et les limites des corps amoureux selon une magie évocatrice rare.
S'y entendent les déchirures de l'âme comme la dévoration des corps. C'est comme si en couturière et avec ses canines la poétesse en soulevait la mince couche de peau.  Et elle  donne tous les détails des voyages amoureux qui met lectrices et lecteurs en état de voyance.
La mission d'être possède ici autant de résonnances érotiques qu'ésotériques. Et le mouvement de la femme dépasse la raison. Son écriture aussi. Et c'est ce qui rend ces deux livres extraordinaires et qui redonnent vie à une réelle poésie surréaliste.
Elle devient ici la preuve que l'imaginaire ne coïncide jamais tout à fait avec l'être physique même dans l'effusion du sexe intérieur dont il s'agit de fixer les contours mouvants. 
C'est pourquoi jusqu'au sein de ses cicatrices, la chair mystique est toujours à refaire. Là où l'amour-connaissance reste  d'obéir à sa propre attraction.

Jean-Paul Gavard-Perret

Catherine Andrieu, Amours & jeux d'ombre & Refuge, journal de l'oubli, Rafael de Surtis, octobre 2022, 38 p.- et 40 p.-, 17€ et 15€

Sur le même thème

Aucun commentaire pour ce contenu.