Robert Littell, Philby, Portrait de l’espion en jeune homme : Agent triple ?

Voilà un roman d’espionnage à mettre entre toutes les mains : il est clair, logique et riche en suspense ; inutile d’y chercher des scènes torrides ou bestiales. Et l’on ne s’y ennuie pourtant pas. Robert Littell, spécialiste du roman d’espionnage, ne pouvait évidemment manquer l’occasion de bâtir une intrigue autour Harold Adrian Russell Philby, surnommé Kim, sans doute le plus célèbre personnage de l’espionnage occidental du XXe siècle : agent du SIS, branche du MI6, le contre-espionnage britannique, il fut en fait un agent double au service du NKVD soviétique, comme plusieurs autres Anglais, dont Anthony Blunt, conservateur des collections royales, Donald McLean et Guy Burgess. Découvert par les Américains, il prit la fuite à Moscou, où il finit ses jours.

 

L’idée de Littell est que Philby aurait été, en fait, un agent triple, c’est-à-dire qu’il aurait été retourné par l’un des agents de la CIA, James Jesus Angleton. Selon Littell, jamais ce dernier, qui était informé des activités prosoviétiques de Philby ne l’aurait laissé pénétrer dans les locaux de la CIA près de Washington – qui n’était pas encore installée à Langley, en Virginie.

 

Tout cela est bien ficelé. Nous ne voudrions pas gâcher le plaisir du lecteur, mais il semble toutefois que l’hypothèse de Littell soit inspirée par la fausse confession faite par Philby lui-même, mais à Moscou en 1952, et selon laquelle il aurait cessé en 1946 de travailler pour le KGB. Si cela était vrai, on se demande pourquoi il prit la fuite sur le cargo soviétique Dolmatova quand il fut découvert et pourquoi il ne revint jamais en Occident. Tous ceux qui l’ont approché le décrivent comme le plus fieffé menteur qu’ils aient jamais vu. De surcroît, c’était un homme cruel, qui poussa sa seconde femme Aileen au suicide.

Tous les espions ne sont pas des James Bond.

 

Gerald Messadié

 

Robert Littell, Philby, Portrait de l’espion en jeune homme, traduit par Cécile Arnaud, Points, octobre 2012, 284 pages, 7 €

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