Plenel, "Le Droit de Savoir" pris à défaut du "devoir de connaître"

Latinus cuisinarum

 

Réédition du pamphlet médiapartiste d’Edwy Plenel intitulé le Droit de savoir. Que n’a-t-il, au nom de ce droit, consulté le Gaffiot, puisque même cette vieille chose est accessible « en ligne » ?

 

Il n’est pas sûr qu’Edwy Plenel, duc de Mediapart, dispose d’un bouclier assez grand pour le protéger des flèches qui sont actuellement décochées contre lui. Certains fourbes ne se sont-ils pas précipités sur la mort de Dominique Baudis pour oser prétendre que le Monde, alors sous la direction dudit Plenel, avait été particulièrement « salaud » dans la manière dont il avait rendu compte de l’affaire Alègre ?

 

Nous sommes cependant contraint, pour l’amour du latin, de lancer ici une flèche supplémentaire quand nous lisons dans le Droit de savoir, qui vient d’être réédité par Points, que « le véritable pouvoir, celui de l’argent comme celui du crime, est toujours obscène, au sens étymologique de ce mot : ob scenum en latin, c’est-à-dire ‟ hors scène ” ».

 

Vite, des sels ! Avec deux mots, Edwinus Plenelus Mediaparticus trouve le moyen de faire trois fautes. Ob n’a jamais signifié « hors » en latin, mais veut dire « en travers de », ce qui est presque exactement le contraire. Scenum est un mot qui n’existe pas en latin ; le mot qui signifie « scène » est scena. Last but not least (ultimum sed non minimum), la consultation de n’importe quel dictionnaire étymologique nous apprend que, malgré leur similitude, les mots scène et obscène n’ont aucune parenté étymologique (le second est peut-être à mettre en rapport avec une racine désignant des excréments, mais on n’en est pas sûr).

 

Soyons honnête, cette absurde leçon de linguistique, destinée à nous faire mieux comprendre la malhonnêteté des paradis fiscaux, de la mafia et des multinationales, émanerait du procureur italien Roberto Scarpinato, et Plenel ne ferait que la retranscrire. Mais n’est-ce pas le même Plenel qui, dix pages plus loin, citant une autre autorité, journalistique cette fois, à savoir l’Américain Robert Park, écrit (ou plus exactement recopie) : « Un journaliste en possession des faits est un réformateur plus efficace qu’un éditorialiste qui se contente de tonitruer en chaire, aussi éloquent soit-il. »

 

Oui, la chaire est faible, et il est dommage que Plenel n’ait pas mis lui-même à exécution cet excellent principe de vérification des faits, d’autant plus qu’on ne saurait désapprouver la dénonciation qu’il entend faire des paradis fiscaux, de la mafia et des multinationales.

 

Mais on ne saurait non plus défendre une cause, si bonne soit-elle, en fourbissant de mauvaises armes.

 

Évidemment, Edwy Plenel ne souscrit pas forcément à ce fondement élémentaire de la déontologie journalistique, puisque, dans le documentaire Décryptage (cf. notre article sur Sophie Dulac), plutôt que d’admettre qu’il a, un jour, laissé passer une bourde dans le Monde — ce qui peut arriver à tout un chacun —, il soutient qu’un journaliste doit parfois publier de fausses informations pour éveiller l’esprit critique de ses lecteurs.

 

Nous pensons, nous, qu’avant de brandir le « droit de savoir », un journaliste devrait s’imposer à lui-même le devoir de connaître.

 

FAL

 

Edwy Plenel, Le Droit de savoir, Points-Seuil, février 2014, 5,70 €     

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