Michel Faber, Under the skin : La viande

Ce texte de Michel Faber est une réédition format poche aux éditions Points.  
Under the Skin est adapté cette année au cinéma (sortie le 25 juin)  mais la bande annonce que j'ai visionnée est à mille lieues du roman, je vous conseille donc en premier lieu de lire le livre assez formidable. Et terrible. 

Bon... comment vous donner envie d'ouvrir ce livre  sans rien vous  en dévoiler ?   Vous pourrez lire, concernant le film, que c'est de la science fiction. C'est dommage de commencer le roman avec cette idée. Je n'aime pas lire de l'anticipation parce que tout me paraît artificiel et bourré de clichés ridicules. Heureusement, j'ai entamé la lecture de Under the skin sans cet a-priori parce que le communiqué de presse, tout comme la 4ème de couverture ne disent pas que le texte s'apparente à ce genre et je vous assure qu'il m'a fallu pas mal de chapitres pour en convenir. Et c'est très curieux, encore maintenant, j'y vois plutôt un conte, une allégorie.  Presque une réalité...parce que ce bouquin épatant est rudement bien conçu.

Une jeune femme au volant traque des auto-stoppeurs, elle est extrêmement spéciale cette fille, physiquement et psychiquement, elle les observe d'abord puis les invite à monter s'ils correspondent à ses critères, et il advient ce qu'il doit advenir, je ne vous en dirai rien bien sûr et vous ne pouvez même pas l'imaginer en lisant cette chronique, d'ailleurs  tout le charme (maléfique)  de ce livre est justement de ne jamais être sûr de rien pendant pas mal de temps.
 
On ouvre le livre à l'ombre du  tilleul et on maudit toute personne qui veut vous en distraire, par exemple pour vous demander à quelle heure il faudra allumer le barbecue pour les grillades ce soir en proposant de les faire mariner....surtout que votre lecture risque de donner à vos cotillons de porc un drôle de goût et peut-être des visions hallucinatoires dont les effets pourront perdurer jusqu'à la saison des foie gras de Noël, vous voilà prévenus. Le texte est d'une précision chirurgicale.

Isserley, la fille bizarre, a un job tout aussi bizarre. Son environnement aussi est bizarre, peuplé de vodsels. Evidemment vous devez découvrir ce qu'est un vodsel dans cet univers de règne animal et humain. Qui est qui,  de l'homme ou de la bête, that is the question.  Et vous allez  être étonné, voire sidéré de ...peut-être...quelque part... vous, enfin... nous reconnaître. Et c'est bien cela qui est pétrifiant. Ce monde impensable vu sous le prisme de l'inversion.

Quand vous sortirez de ce livre un peu sonné, malgré l' eau  qui perle à votre bouche en humant cette si belle  côte de bœuf persillée qui grésille sur le feu, vous demanderez faiblement s'il n'y a pas de la salade, en accompagnement.
Rien de geignard dans ce texte qui vous balance, l'air de rien, un miroir grossissant de notre monde sans scrupule et sans état d'âme pourvu que ça soit rentable d'une manière ou d'une autre. Pas de pathos donc, mais des yeux grand ouverts avec empêchement  de les baisser.

« L’écriture de Michel Faber est pudique, drôle, et résolument morale"  écrit The New York Times à propos de ce roman.  Je ne la trouve pas drôle ni résolument morale pour ma part. Non,  pas amusante du tout, mais captivante, précise donc efficace. Quant à la moralité de l'histoire, je n'en vois pas vraiment car la bête sommeille en l'homme et peut-être vis versa,  je perçois plutôt  dans ce roman une interpellation, et c'est différent de la leçon de morale.

Et  après ce texte salutairement acide, je ne vois pas d'autre lecture plus bienvenue et apaisante que Le monde a t-il sens  ? de Pierre Rhabi. Comme un soin palliatif dans un premier temps, et curatif in fine. 


Anne Bert


Michel Faber, Under the skin.  Traduit de l'anglais (USA) par Michèle Hechter - Editions Points - -2014 - 7.20 euros.


Aucun commentaire pour ce contenu.