Jean-Pierre Darroussin, "Et le souvenir que je garde au coeur"

Souvenirs épars


Je souffre d’un grave défaut : quand je plonge dans un livre sur une personnalité du cinéma, j’espère qu’il va parler surtout et avant tout de son métier. Des anecdotes, des regards dans la coulisse, des réflexions pertinentes, bref des trucs et des machins qui vont me permettre de toujours mieux connaître ce monde étrange et fascinant dans lequel évoluent, tant bien que mal, les acteurs.


Bien sûr, il peut narrer des à-côtés, permettant de mieux situer son parcours et cerner sa personnalité mais point trop n’en faut. En gros tout ce qui concerne l’enfance m’ennuie (autant à lire qu’à écrire d’ailleurs !) de même que les douleurs forcément profondes dues à la perte d’une mère, d’un père ou d’un caniche. Toutes les enfances sont originales, y compris celles des dictateurs et des crétins décérébrés.


C’est dire si avec le livre de Jean-Pierre Darroussin je suis loin d’avoir trouvé mon compte. Car du théâtre et du cinéma il en parle peu. Il faut attendre la page 86 (sur 176) pour le voir commence à évoquer son apprentissage au cours Florent puis au Conservatoire. Ensuite il cite une pincée de pièces et trop peu de films, se contentant de les survoler. Au passage, surgissent divers bons moments comme son épique première rencontre avec Jean-Pierre Bacri, dont il deviendra l’ami.


Mais, Darroussin, le dit lui-même, il n’a jamais voulu faire un livre d’acteur. Il préfère un livre de fils (tout l’ouvrage est dédié à son père ouvrier et communiste convaincu) et un livre de témoin. Car il est le témoin d’une époque révolue et au fil des pages se glisse un parfum de nostalgie. Il y parle aussi beaucoup d’amitiés et d’un bateau made in Suède qui finit par couler puisque tel était son destin.


Donc sur un plan artistique on n’y apprend pas grand-chose et je me garderai bien de critiquer les (nombreux) moments consacrés à ses débuts, sa famille, ses potes, ses amours. Je ne me considère pas comme un critique littéraire (en dépit du nom de ce salon) et ne peut jauger qu’à l’aune du septième art de certains de ses petits cousins.


Je me contenterai de souligner que l’ensemble m’a paru un peu confus et que, hormis ce qui concerne son paternel, Darroussin m’a semblé se contenter de semer des informations comme autant de cailloux destinés à remplir des feuilles blanches. De plus, je constate qu’il ne maîtrise pas l’écriture aussi bien que son jeu d’acteur.


Regrettable (pour moi) car j’ai eu l’occasion de rencontrer ce comédien a plusieurs reprises et je sais que, quand il est en verve, il est passionnant. A la fois très critique et très lucide sur un métier qu’il aime et qu’il observe.


En réalité, et c’est tout à son honneur, cet ouvrage ne s’adresse pas aux passionnés de cinéma mais, plus généralement, à ceux qui veulent connaître une vie parmi d’autres. En ce sens, il risque de toucher un plus grand public. Sans moi.


(A noter que, pour une fois, l’éditeur ne trompe pas sur la marchandise et précise bien "récit" sur la couverture et non "mémoires")


Philippe Durant


Jean-Pierre Darroussin, Et le souvenir que je garde au coeur, Points – 160 pages – novembre 2016 – 5,90 eur

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