"Les chiens sont mes amis"

La chance de sa vie ou le début de la fin ?

Un printemps tardif commence à Indianapolis où vit Jan Moro (alias Clarence Starch junior), un sans abri pas comme les autres. Actif, l’esprit toujours en éveil, ce dernier vit de petits trafics, récupère lors des vides-greniers des caisses de vieux livres ou de la ferraille qu’il  revend à des grossistes. Il fait ça juste pour survivre car Jan, en bon américain, compte sur son esprit d’entreprise pour s’en sortir. Chaque jour, il a une idée qu’il trouve géniale, comme celle de la cagoule hermétique qui permettrait aux fumeurs d’entrer partout sans gêner les non fumeurs ou le déodorant à effet retard, idéal pour les périodes d’été où on sue beaucoup. Il lui manque juste un investisseur… En attendant la bonne opportunité, Jan Moro survit.
Tout change un soir. Attablé à un bar en train de siroter une bière, un type plein aux as promet une tournée générale si l’assistance parle d’autre chose que de politique : il s’agit de Billy Cigar, un homme d’affaires très riche, avec accessoirement une réputation de truand. Croyant avoir trouvé son bienfaiteur, Jan décide de lui vendre ses idées. Mais en attendant, il faut vivre et chercher du boulot…le lendemain, notre héros découvre un trafic de chiots et manque de se faire tabasser par un sadique nommé Pete. Notre héros décide d’avertir la police et de se placer comme informateur : idée simple, stupide même, mais qui fonctionne… Jan Moro, sans le savoir, se retrouve mêlé à une histoire qui dépasse largement le trafic de petits chiots et y risque d’y laisser quelques plumes…

Le retour de Candide ?

L’auteur, Michaël Lewin, a choisi délibérément de situer son histoire dans le milieu des sans abris et de prendre comme narrateur l’un d’entre eux. Mal dégrossi, crasseux, un peu idiot, combinard et inventif : Moro est tout ça et détonne pourtant car c’est à travers ses yeux que se dévoile une histoire où violence et coups bas abondent, où personne n’est ce qu’il paraît être. Ce parti pris narratif paie parce que Jan Moro (alias Clarence Starch Junior) possède une espèce d’innocence attachante. S’il s’attend, d’expérience, à devoir tomber à un moment où un autre, dans un coup fourré, il ne voit jamais rien venir et croit d’entrée ce que les autres personnages, qui avancent masqués, lui disent.

De plus,certaines situations versent dans un grotesque assez savoureux : ainsi du moment où il découvre que ceux qu’il prenait pour des truands sadiques sont en fait des flics en planque. Ou encore lorsqu’il décide de faire griller la tête d’un truand dans un micro ondes afin de lui faire avouer ce qu’il est advenu d’une de ses amies. De plus, il a la tête ailleurs, part souvent dans des digressions alors que l’action exigerait qu’il soit plus présent et il faut sans cesse que les autres personnages le rappellent à la réalité.

Au fur et à mesure, Moro, qui passe au début pour une espèce d’idiot du village apparaît clairement comme le plus franc, le plus honnête des personnages du roman. Ingénu et naïf, proche somme toute du Candide de Voltaire, ce roman, qu’on a volontiers assimilé au début comme un simple produit de série, finit par nous toucher : Moro est après tout un enfant qui a mal grandi, un peu comme ces enfants des années trente – représentés à l’écran par les dead end kids —, jetés sur les routes lors de la grande dépression.

Ce roman de Michaël Lewin mérite donc amplement qu’on lui accorde une chance.

Sylvain Bonnet

Michaël Z.Lewis, Les chiens sont mes amis, traduit de l'américain par Frank Reichert,Alphée, collection Outside/Thriller, janvier 2011, 245 pages, 19,90 €

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