"Un monde sous surveillance", La paranoïa n'est plus ce qu'elle était...

Un plat
copieux à base de complot…

Afrique du Sud, années 2000. Niemand, ancien militaire, ex-mercenaire, est un vrai dur à cuire. Il gagne sa vie comme garde du corps pour de riches blancs, afrikaners ou étrangers. La mission du jour est simple : raccompagner madame Shawn chez elle après ses courses et attendre le retour de son mari. Très rapidement, il a un mauvais pressentiment… qui se confirme quand le mari rentre. Des tueurs tombent du faux-plafond, une fusillade éclate : tout le monde est tué sauf Niemand. Avant de partir, il ouvre la mallette de Shawn, à l'intérieur, une cassette vidéo et des papiers, Niemand embarque le tout lorsque le téléphone sonne. Il décroche, visiblement ce sont les commanditaires de l'assassinat.

Niemand se met au vert et vérifie le contenu de la K7, tombe sur des images de massacres commis par des soldats américains qu’il reconnaît à leurs bottes. Au même moment, John Anselm, ancien journaliste et ancien otage au Liban, travaille à Hambourg pour une boîte de renseignements. Avec son équipe, on lui demande de localiser Niemand… Ce dernier, désireux de se débarrasser de la K7 décide de la vendre aux commanditaires de l’assassinat des Shawn : rendez-vous est pris à Londres. Mais la rencontre se passe mal, on essaie de le doubler. Niemand décide de tenter sa chance avec les médias. Caroline, une jeune journaliste, ambitieuse et rusée, est prête à lui acheter la K7 à, prix d’or. Niemand a beau être un soldat aguerri, il est pourtant loin de se douter dans quoi il a mis les pieds...

… où la sauce ne prend pas

Avec Un monde sous surveillance, Peter Temple, auteur de nombreux romans à succès, signe au final l’archétype même du thriller contemporain, alternant scènes d’action (Niemand en Afrique du Sud, à Londres ; Anselm à Hambourg) et scènes beaucoup plus introspectives (à Hambourg avec John Anselm, essayant de mettre de l’ordre dans sa vie). On passe d’un personnage à un autre, de Londres à Hambourg avec des intermèdes où des sommités des services secrets fixent le cadre et décident de la manipulation générale, avec un zeste de politique américaine : la construction s’avère complexe et témoigne d’une ambition qui amène à se demander ce qu’a voulu faire ou dire l’auteur : dénoncer les pratiques de la CIA en Afrique ? Livrer une critique du traitement de l’information par les médias anglais ? Donner ses réflexions sur l’état du monde actuel ? Démontrer les liens particuliers existant entre le monde de la finance, les services secrets et les médias? En fait, l’auteur donne l’impression de faire feu de tous bois au risque de perdre son lecteur dans les méandres d’une intrigue qui se complique au fur et à mesure qu’on avance.

Point positif, les personnages ne manquent pas d’intérêt : on saura gré à Temple d’avoir abordé le thème du devenir d’anciens otages, à travers John Anselm, capturé et retenu prisonnier au Liban plusieurs années avant le début du roman (Anselm qui, de surcroît, essaie de faire face à son passé et à une famille qui a été mêlée au IIIe Reich). Niemand, dont on entrevoit le passé trouble d’enfant martyr, intéresse aussi. Il convient de noter que son nom signifie « personne » en néerlandais : était-ce le signe d’une volonté de l’auteur de donner une envergure de type existentialiste à son ouvrage ? De renforcer le côté outsider de son personnage principal ? Mais Peter Temple a ensuite recours à des facilités : par exemple, Niemand trouve l’amour dans les bras d’une jolie anglaise nommée Jess qui passait par là (ça a dû bon d’être mercenaire en fait dans ce roman), qui saura l’attendre et l’aider à reconstruire sa vie. La belle psychiatre Anselm, au bout du compte, n'est là aussi pour le consoler. Soit, c’est un peu Noël en fait mais cette débauche de sentimentalité paraît mal maîtrisée et décalée par rapport au reste de l’histoire. Quant au sujet abordé par le roman, rien d’autre que la corruption du monde, il aurait mérité une approche mariant un sens du tragique et un goût pour le noir dont Peter Temple, plein de métier, semble tout à fait dépourvu : on le regrette.

Sylvain Bonnet


Peter Temple, Un monde sous surveillance, traduit de l'anglais par Simon Baril,Payot, Rivages « thriller », octobre 2010, 393 pages, 21,50 €

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