"Samedi 14", ne jamais réveiller un anar qui dort...

« Un type que je ne connais même pas est nommé ministre de l’Intérieur et, cinq cent kilomètres plus loi, un pékin, bibi, mézigue, se retrouve lui aussi à l’intérieur, pour rien, officiellement  pour culture interdite avec intention de commerce illégal propre à vicier notre belle jeunesse. Ce n’était plus la théorie de l’aile de papillon, c’était celle de la tapette à mouches. »

David contre Goliath

Maxime, ancien terroriste d’extrême gauche, vit à la campagne loin du tumulte de la société moderne et d’une évolution des choses qu’il rejette. Un matin d’un vendredi 13, CRS et policiers investissent les lieux. Ses voisins, des retraités avec qui il s’entend d’ailleurs très bien, sont les parents du nouveau ministre de l’intérieur. Ignorant à qui ils ont affaire, les flics occupent sa maison et le mettent en prison pour possession et culture de cannabis : il ne tarde pas à s’évader. Commence donc le samedi 14 où Maxime, après avoir essayé de trouver un arrangement, prend le maquis et rend la vie impossible à ce brave ministre. Il séduit sa sœur artiste en Italie, écrit aux journaux, harcèle son adversaire. Il trouve même des alliés au sein de la grande maison ! Et voici notre moderne David, anarchiste en diable, aux prises avec ce Goliath tentaculaire qu’est l’Etat…

De l’humour, de la cogne

Jean-Bernard Pouy, créateur du Poulpe, nous livre ici une variation enlevée et pleine d’une verve populaire qui, pour autant, n’ajoute rien à sa gloire. L’Etat et la police en  prennent pour leur grade et certaines réflexions ici et là nous font penser que Pouy n’apprécie guère l’actuel président de la République, également ancien locataire de la place Beauveau, ainsi que ses surenchères sécuritaires… L’auteur n’en est que plus fidèle à lui-même et à son inspiration. Quant au style, il est ici volontiers argotique et s’inscrit dans la tradition de la série noire : souvenons-nous d’Auguste Le Breton et d’Albert Simonin.

Ce court roman, plutôt bien rythmé, est aussi très visuel : l’auteur pensait-il en l’écrivant à une éventuelle adaptation télévisuelle ou cinématographique ? On a en tout cas affaire à un ouvrage assez sympathique – regrettons cependant une couverture « à trou », par laquelle on découvre une photo de l’auteur, susceptible de rapidement s’abîmer. Cette nouvelle collection, baptisée « vendredi 13 » semble en tout cas prometteuse pour l’amateur de polar (particulièrement les fans de l’ancienne « série noire »). À tenter donc.

Sylvain Bonnet


Jean-Bernard Pouy, Samedi 14, La Branche, "vendredi 13", octobre 2011, 175 pages,15 €

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