Fred Vargas plong dans une petite histoire de vampires avec "Un lieu incertain"

Jean-Baptiste Adamsberg est de retour, et après le Quebec le voici en Angleterre pour un séminaire international où il fait figure de grand absent : il ne comprend pas grand chose et s’en fout pas mal ! Il est égal à lui-même, un gros chat apathique mais qui sait bondir le moment venu, moment toujours improbable pour toute sa brigade d’ailleurs.

Mais que se passe-t-il donc dans le fog ?

Au détour d’une promenade touristique, surtout pour plaire à Danglard, Adamberg et ses collègues britanniques sont pris à parti par un lord excentrique qui aurait vu des souliers et des pieds dedans devant le cimetière de funèbre réputation Highgate. Et en effet, les pieds coupés sont bien là, sauf que Danglard reconnaît un soulier qui pourrait être celui de son père, ou d’un cousin, en tout cas un pied Serbe car Danglard est Serbe. Là dessus, retourné à Paris, Adamsberg est appelé pour un crime dans un pavillon cossu de Garche, où un vieux journaliste un rien ombrageux a été tué, découpé, écrabouillé et dispersé. L’enquête va suivre son cours tortueux, au rythme du flux et reflux de la disponibilité psycho émotionnelle du héros incertain. De l’Angleterre, où il faudra retourner, à la Serbie, où tout semble avoir pris source, en Autriche, Suisse, Allemagne, Finlande, où des crimes similaires se révèlent, le tueur fait disparaître, anéantit et, en un mot, condamne à l’impossibilité de revenir parmi les vivants quelques personnes qui ne semble rien avoir en commun. Où un fil si ténu qui les relie les uns aux autres et qu’une spécialité culinaire « à la Bretonne » va révéler à Adamsberg ! Ah les mystères des grands flics !

Mais Adamsberg n'est pas seul et Fred Vargas sait nous attacher à la vie de la brigade, à Froissy la boulimique obsessionnelle, à Danglard le sur-cultivé qui va enfin tomber amoureux, au gros chat impotent qui vit sur la photocopieuse, et à tout le monde qui gravite autour d’Adambserg, sommet qui attire les passions les plus divergentes. La vie « hors l’enquête » continue, chacun ayant sa petite part de vérité pour ajouter au sympathique de l’ensemble, sans que ce soit tout à fait un roman de groupe. Mais toute cela ajoute du réel et de la sympathie à l'ensemble

C'est pourtant une histoire de vampires que Fred Vargas nous propose cette fois, plus sombre que les précédentes par ce qu'elle appelle de légendes et de contes irrationnels mais qui font la réalité de beaucoup, mais toujours aussi détendu, à la manière d'Adamsberg, avec assez d'humour et de petites histoires collatérales pour contrebalancer la noirceur de l'enquête en elle-même.

Le Lieu incertain, c’est l’ombre entre le rationnel et l’irrationnel, entre le tueur qui impose un rythme frénétique à sa propre légende et les contes vampiriques qui fondent cette même légende — un caveau protégé au fin fond de la Serbie. Le lieu incertain, c’est cet improbable inachevé dans lequel Abamsberg est comme un poisson dans l’eau. Miraculeux de sagacité sous le masque de la pesanteur !

Fred Vargas est égale à elle-même dans le plein exposé de son talent de narratrice, ça va vite, c’est ben huilé quoi qu’un peu vite conclu par l’arrivée en pleine lumière du tueur — qu’on a rencontré et sur lequel aucun doute ne pesait, pas de lien avant que tout n'explose —. De quoi ravir les fans !


Loïc Di Stefano

Fred Vargas, Un lieu incertain, Viviane Hamy, juin 2008, 385 pages, 18 €

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