"Les mystères de Druon de Brevaux" - Une saga médiévale d'Andréa H. Japp


LES MYSTERES DE DRUON DE BREVAUXMystères et médecine au Moyen-âge

Avec un père ingénieur-informaticien, amateur de polars, Andréa H. Japp, Lionelle Nugon-Baudon, avait une voie toute tracée, celle de scientifique et d’écrivain. Dans le premier domaine, elle ne possède rien de moins qu’une maîtrise en biochimie, en génétique, un doctorat en biochimie, un diplôme de toxicologie (MIT), un autre de bactériologie : impossible de nier qu’elle maîtrise son sujet. C’est en 1990 qu’elle commence à écrire des policiers et comme à son habitude, tout ce qu’elle entreprend lui réussit puisqu’elle décroche directement le Prix du roman policier du festival du film policier de Cognac pour La Bostonienne. Après plusieurs succès en librairie, celle que l’on compare à Patricia Cornwell, se lance dans une première série de polars historiques avec La Dame sans terre en 2006. Elle réédite l’expérience avec la série Les mystères de Druon de Brévaux où elle utilise ses connaissances scientifiques en matières de simples pour nous plonger sur les traces d’un mire pas comme les autres. 

 Un Mire, des Templiers et une mystérieuse pierre rouge. 

Début du XIVe siècle, Jehan Fauvel est condamné à mort pour hérésie. Derrière lui, il laisse deux trésors : une pierre rouge aux pouvoirs mystérieux et surtout sa fille Héluise. Cette dernière n’a pas reçu l’éducation dévolue aux jeunes filles de l’époque : au lieu d’apprendre à tenir une maison, elle a appris l’utilisation des simples et manie mieux l’épée que l’aiguille, sauf s’il s’agit de recoudre un patient. Elevée par ce père aimant et éclairé, Héluise est anéantie par sa mort. Mais à la tristesse succède la colère lorsqu’elle comprend que c’est l’évêque d’Alençon, celui qu’elle considère comme son parrain, qui a livré son père à l’Inquisition. Déterminée à retrouver cette mystérieuse pierre qui a causé la mort de son père, poursuivie par l’Inquisition, les sbires de Nogaret et par un mystérieux templier, Héluise décide de se travestir en homme et endosse l’identité de Druon de Brévaux, mire itinérant. 

 Des enquêtes rondement menées

On l’aura compris, la quête de cette pierre rouge qui attire toutes les convoitises est le fil conducteur de cette série. Mais la quête de Druon/Héluise est ralentie par les enquêtes annexes où le mire se retrouve confronté aux croyances populaires mais aussi à la cruauté des hommes. Dans le premier tome, Druon/Héluise se voit contraint de rentrer au service de la comtesse Béatrice d’Antigny : entre conspiration, jalousie et superstition, notre héro va devoir déjouer les tentatives de meurtres dont la comtesse fait l’objet et s’attaquer aux agissements monstrueux d’une sorte de bête du Gévaudan version normande. C’est lors de cette première aventure que Druon/Héluise va recueillir celui qui va l’accompagner tout au long de sa quête, le jeune Huguelin qu’elle a arraché des mains d’une tenancière lubrique. Elle y fait également la connaissance de la mystérieuse Ygraine, l’une des dernières représentantes de la religion druidique qui lui prédit qu’il doit poursuivre sa quête vers l’est. Les bases de la saga sont posées : une quête, des ennemis divers et variés et des enquêtes à résoudre grâce à sa grande capacité de déduction. 

 Dans Lacrimae, notre mire, toujours poursuivi par de nombreux ennemis, atteint Thiron et l’abbaye de la Sainte Trinité dont les moines font l’objet de vives critiques. Druon et le jeune Huguelin sont de nouveau sollicités pour résoudre une série de meurtres : un mercier aussi riche qu’avare et un moine ont été retrouvés poignardés dans le dos et la main droite coupée, supplice infligé aux voleurs. Une enquête rendue difficile par le seigneur abbé, Constant de Vermalais qui ne tient pas à ce que la justice séculière mette le nez dans son abbaye dont il se sert pour permettre aux Templiers de fuir vers l’Angleterre. On apprend peu de choses sur la fameuse pierre rouge mais nous en apprenons beaucoup plus sur l’identité et les motivations des poursuivants d’Héluise. 

Dans le dernier tome, Templa mentis, l’étau se resserre autour d’Héluise. Elle atteint Saint-Agnan-sur-Eure dont le prêtre a été retrouvé poignardé et crucifié dans son église tandis que son secrétaire est égorgé dans la forêt. Une fois de plus, Druon/Héluise se doit mener une enquête qui pourrait la rapprocher de la vérité qui l’a jeté sur les chemins. À la cohorte de poursuivants déjà sur ses pas, s’ajoute une femme aussi belle que vénéneuse, Aliénor de Colème. 

Une série historico-policière

Ce n’est donc pas la première fois que l’auteur prend pour cadre le Moyen-âge, une époque qu’elle a pris soin d’étudier aussi bien en ce qui concerne la médecine, les mœurs et croyances que le vocabulaire. Dans un souci d’authenticité linguistique, Andréa H. Japp utilise une syntaxe et un vocabulaire proche de ceux utilisés au XIVe siècle. Un nombre impressionnant de notes de bas de page nous fournit tout un tas d’explications sur les jurons employés, les plantes médicinales ou encore les croyances de l’époque. Nous sommes non seulement divertis mais en plus instruits. Sa présentation du Moyen-âge est cependant parfois un peu trop caricaturale car elle met en avant son obscurantisme, sa violence pour mettre en relief la vision « éclairée » de Druon. En effet, alors que la population est soumise aux croyances et fait le lien entre ces dernières et la médecine, Druon utilise l’observation et la logique pour découvrir la vérité, sans se laisser aller aux superstitions de bonne femme. Notre héro est donc une espèce de Sherlock Homes moyenâgeux. 

Si les enquêtes du mire s’enchaînent à un rythme effréné et sont bien construites, la quête de la pierre rouge qui attire la convoitise de tant de monde, traine un peu en longueur. D’abord parce qu’elle reprend des poncifs des romans portant sur le Moyen-âge : la persécution des templiers, la recherche de la connaissance ultime bref. Rien de bien surprenant. D’autre part parce que les éléments permettant de relancer notre intérêt sont distillés avec un peu trop de parcimonie si bien que nous en oublions pendant un moment l’intrigue de départ pour nous concentrer sur les enquêtes annexes. Cependant, le dénouement final nous cloue le bec parce qu’à celle-là on ne s’y attendait pas. Les mystères sont résolus même si le voyage du mire se poursuit : de nouveaux rebondissements pourraient faire l’objet d’un quatrième et dernier tome. 

Julie Lecanu

Andréa H. Japp,  Les mystères de Druon de Brévaux, éditions Flammarion
Tome 1 : Aesculapius : février 2010, 447 pages
Tome 2 : Lacrimae : octobre 2010, 460 pages
Tome 3 : Templa Mentis : février 2011
21 € 

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