"Chambres froides", la Russie disséquée

Russie, année zéro


Après la chute de l'URSS, début des années 90. Le communisme vient de s’effondrer mais il est encore dans toutes les têtes. Les Russes ont le plus grand mal à trouver de quoi manger et le pays dépend de l’aide occidentale. Nées sous Brejnev, les mafias ont infesté des pans entiers de la société et la police tente tant bien que mal de maintenir l’ordre. Un policier moscovite débarque officiellement à Saint-Pétersbourg pour étudier l’efficacité des méthodes d’investigation du colonel Grouchko, chargé de la lutte contre le crime organisé. Officieusement, il doit surtout vérifier que son homologue n’est pas corrompu. Il le suit, l’accompagne dans ses enquêtes, le questionne jusqu’au moment ou un célèbre journaliste de télévision, Mikhaïl Milioukine, est assassiné. Milioukine était un spécialiste de l’investigation et aimait trouver des sujets dérangeants pour les puissants : ex-kgbistes, membres de la nomenklatura, mafieux bien sûr… Grouchko, connu pour avoir été opposant au Parti, se lance dans l’enquête avec des moyens dérisoires. Cela les mènera tous deux dans un voyage au cœur des ténèbres russes.


Un roman noir et documenté


Ecrit à la 1ère personne sur un ton désabusé, fataliste, citant de grands écrivains russes comme Dostoïevski (Crimes et châtiments semble hanter les personnages) ou Pasternak, ce roman appartient au noir. Il décortique les maux de la société, voire de l’âme russe, du pourquoi du communisme. L’auteur est aussi impitoyable dans sa description des rapports familiaux entre des parents dépassés par la crise et l’effondrement soviétique et des enfants sans repères, prêts à tout pour rejoindre cet Occident devenu si attirant, à nouveau imitable, après avoir été l’ennemi à abattre.


Philip Kerr a le désir de coller à la réalité dans ses ouvrages et Chambres froides ne déroge pas à cette règle. Pour qui a suivi l’évolution de la Russie pendant les années de la transition, l’ouvrage est passionnant. On retrouve une ambiance, une atmosphère, typiques de cette époque durant laquelle la Russie a découvert et le capitalisme et la société de consommation. Le résultat, ce fut ensuite Vladimir Poutine et une reprise en main vigoureuse du pays.


A lire donc, car ce roman contient déjà ce qui fera par la suite le succès de sa trilogie berlinoise, œuvre la plus marquante de l’auteur à ce jour.


Sylvain Bonnet


Philip Kerr, Chambres froides, Traduit de l’anglais par Laurence Kiefé, Le Masque poche, octobre 2012, 421 pages, 6,90€

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