Le chasseur et autres histoires, le retour d'un vieil ami

L’inventeur du roman noir

 

La moisson rouge, Le faucon maltais, L’introuvable… on connait Hammett pour ses romans, qui fondent une fois pour toutes le style hardboiled dont Raymond Chandler, Jean-Patrick Manchette et James Ellroy (que de gens différents !) vont être les héritiers. Pour autant, Dashiell Hammett a commencé sa carrière comme nouvelliste pour différents magazines policiers (on dit « pulps » à l’époque) qui lui permirent d’inventer son premier détective, l’anonyme « continental op » et d’expérimenter des trames qu’il récupéra pour ses romans. Gallimard nous propose ici un recueil d’histoires inédites (dont trois scénarios) et, que voulez-vous, quand du Hammett nouveau est traduit dans la langue de Molière, le sang du fan transi (qui se cache derrière le critique blasé) ne fait qu’un tour !

 

Un recueil varié et inégal

 

Le chasseur, première nouvelle intéressante, s’inscrit dans la veine hardboiled  et se révèle assez efficace. Ensuite, nous avons droit à un florilège de récits d’Hammett dans d’autres genres (dont le roman policier de détection) conçus pour des magazines plus huppés que les « pulps » : on voit donc le créateur du roman noir faire ses « gammes », y compris dans le genre fantastique (cf la nouvelle De la magie, que le public de Weird tales aurait pu apprécier). On trouve de tout dans Le chasseur, y compris des nouvelles inédites, parfois vendues mais non publiées et notre auteur se révèle très percutant lorsqu’il observe les gens de « main street » : il en est ainsi de Quatre centimètres de gloire où un homme devient un héros en sauvant un enfant, prétexte à une introspection impitoyable et salutaire. Reste que, si Hammett se révèle toujours agréable à lire, on est loin de s’extasier à la lecture de toutes ces nouvelles, très inégales… mais il ne faut jamais sous-estimer le vieux Dash (à qui je promets un toast lors de mon prochain anniversaire).

 

La pépite

 

Ce recueil contient trois scénarios écrits pour Hollywood. Les deux premiers, Une croix là-dessus et Le terrain du jeu du diable, sont plus proches du traitement que du scénario. Quant au dernier, les rapaces, il est plus proche du roman. Très à son aise, Hammett offre des dialogues percutants et  un personnage de détective très proche du Sam Spade du Faucon Maltais (même si l’intrigue se déroule en Californie du Sud). Vraie canaille, le personnage de Gene Richmond soulève l’enthousiasme et l’ombre de Bogart plane à un moment… remanié et tourné en 1935 sous le titre de Mr Dynamite, ce scénario constitue un délice pour l’amateur. Le dernier texte, Tout le monde sait manier un couteau, constitue le début d’un roman inachevé réutilsant Sam Spade, rédigé par Dashiell Hammett en 1931-32. C’est noir, cynique, dur : on ne peut que regretter que Dash n’ait pas continué. Tous ces éléments font du Chasseur un recueil indispensable pour l’amateur de roman noir (tu auras ton toast, promis mon vieux Dash).

 

Sylvain Bonnet

 

Dashiell Hammett, Le chasseur et autres histoires, Gallimard, traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Nathalie Beunat, avril 2016, 384 pages, 22 €

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