"Sartre et l’extrême gauche française - Cinquante ans de relations tumultueuses": Birchall confirme qu'il s’est toujours méfié du stalinisme.
Si Sarte s’est toujours méfié du stalinisme, il a parfois lié alliance avec lui. Brève accointance mais tout de même. Et dès 1940 les attaques fusent, de gauche comme de droite. On l’accuse de nourrir de dangereuses illusions sur la nature de l’URSS. C’est d’ailleurs l’origine de la querelle de 1952 avec Camus. Et à la mort de Sartre, en 1980, le concert de critiques s’est encore amplifié. Il faut bien reconnaître - mais c’est facile de le faire a-posteriori - que Sartre a commis d’énormes erreurs de jugement quant à la nature du stalinisme. Dont certaines sont analysées dans ce livre. Même George Steiner, dans sa nécrologie, déclare qu’il avait eu effroyablement tort.
Il est amusant de voir que ces dernières années, les critiques les plus féroces
proviennent des ranges de ceux qui partagèrent un temps ses supposées illusions...
La méthode de ce livre est tout simplement de situer les divers écrits
politiques de Sartre dans leur contexte. Ce qui évite les erreurs
d’interprétation. D’ailleurs, Birchall pense que c’est l’œuvre de Sartre dans
son ensemble qui prime, et non tel ou tel élément de celle-ci... Il a donc fait
plus appel à ses écrits journalistiques et polémiques, qu’à ses œuvres
philosophiques ou littéraires... Sartre, lui-même, pensait que la collection
d’essais, de textes polémiques, de préfaces et d’entretiens qui constituent les
dix volumes de Situations était la partie de son œuvre qui avait le plus
de chance de survivre. Mais ces livres n’offrent aucun commentaire ou
indication du contexte dans lequel ils ont été écrits.
Birchall comble donc un manque criant : en identifiant les adversaires de
Sartre et en se plongeant dans la presse de l’époque, il reconstitue le débat
entre Sartre et la gauche antistalinienne : un débat bien trop souvent
occulté ou ignoré.
Que cela encourage les lecteurs à remettre en question les accusations faciles
de Judt, Broyelle et compagnie... Car Sartre était aussi un homme de dialogue
qui a toujours cherché à apprendre par le débat et la coopération avec la
gauche antistalinienne.
Annabelle Hautecontre
Ian H. Birchall, Sartre et l’extrême gauche française - Cinquante ans
de relations tumultueuses, La Fabrique éditions, août 2011, 410 pages, 18,00 €
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